Constance Debré
Flammarion, 2022
Cette fois j’étais prête. A recevoir ce texte. Je savais le style sec, je savais la détermination, je savais la discipline, je savais cette violence placide. La première fois, avec Love me tender, je me les étais pris en pleine gueule. J’avais mis plusieurs jours à m’en relever.
Là, j’y allais en pleine connaissance de cause. J’allais renouer avec cette fille qui, par la radicalité de son propos, mais surtout de ses actes et de ses choix, me forçait à regarder le monde autrement, à interroger mes propres choix et à évaluer mes propres compromis.
Le titre indique assez qu’elle n’a pas renoncé, qu’elle persiste au contraire dans la direction qu’elle s’est donnée : juste un mot, un substantif sans article, en dehors de toute construction grammaticale, comme si la langue elle-même devait se dépouiller de toute forme de convention pour casser en elle l’instrument de domination. La langue comme premier lieu de déconstruction.
Un mot, donc, et pas n’importe lequel : le nom, celui qui nous désigne au yeux de tous, celui qui, dès notre naissance, avant même que nous n’ayons pu prononcer la moindre parole, charrie une histoire, affirme une ascendance, une lignée, affiche une appartenance sociale, nous conditionne. Celui dont il faut en tout premier lieu se débarrasser pour être libre.
Dans son précédent livre, Constance Debré tranchait dans le vif en coupant avec la vie qu’elle avait jusqu’alors menée : métier, maison, mari, enfant. Mais il lui fallait aller plus loin et rompre avec ce qui la précédait : le père, la famille. Et donc le nom. Faire ainsi le vide pour se défaire de toute attache, de toute amarre. Abolir toute forme de ce que nous appellerions identité et lien social, qu’elle perçoit comme des entraves : filiation, mariage, héritage, état civil et jusqu’à l’enfance, qui n’est que le premier lieu d’aliénation.
Constance Debré se présente comme un soldat ou un héros ouvrant la voie et éclairant le chemin. Bien sûr, on se demande quelle forme de vie et de cohabitation serait possible si nous lui emboitions tous le pas. Serions-nous comme des électrons se rencontrant et se repoussant au gré du hasard sans jamais donner corps à un ensemble cohérent ? Cela est-il imaginable ? Enviable ? Pas sûr. Pour autant, écouter cette voix singulière - et dérangeante - est loin d'être vain. Constance Debré est de ceux qui nous mettent face à nos impostures et à nos simulacres, ce qui est à mon sens nécessaire. La question est alors de savoir quoi faire avec ça. A chacun de trouver sa réponse.
Je l'ai entendue chez Trapenard je crois ; ça m'a paru très nébuleux, j'avoue ne pas être prête à me lancer.
RépondreSupprimerJ'ai écouté cette émission également. Peut-être parce que j'avais déjà lu son livre - et celui qui précédait - cela m'a semblé extrêmement clair. Après, on la suit ou pas. C'est toute la question. En tout cas, pour ma part, je la trouve étonnante et nécessaire.
SupprimerUne lecture qui pose questions, on dirait.
RépondreSupprimerPlus qu'aucune autre !
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