Dieu me déteste
Hollis Seamon
Anne Carrière/La belle colère, 2014
Traduit de l'américain par Marie de Prémonville
☀ ☀
Une histoire poignante traitée sans atermoiements, avec une grande élégance.
Je suis particulièrement heureuse de présenter ce livre. Et pourtant, je ne l’aurais pas lu spontanément, le sujet me paraissant a priori trop douloureux. Mais il fait l’objet d’une chaîne de lecture au sein d’un groupe de grands amateurs de livres sur Facebook. Alors, au-delà de ses qualités - que je vais m’efforcer de vous présenter -, ce livre a permis de renforcer les liens entre les membres d’une petite communauté comme il en existe des milliers sur la Toile, mais qui, sous l’impulsion de Claire qui l’anime avec constance et passion et de certains de ses membres très actifs, possède une âme tout à fait unique, à laquelle il m’est permis ici de rendre hommage.
Mais venons-en au fait !
Le héros de ce récit est un tout jeune homme sur le point de fêter ses dix-huit ans. Comme tous les garçons de son âge, il aime s’amuser et dire des bêtises, il apprécie de boire une bière ou un coca, de manger des bonbons, de faire une partie de poker lorsque l’occasion se présente, il découvre les premiers émois amoureux...
Oui mais voilà... Richie vit dans une unité de soins palliatifs. Atteint d’un cancer, il ne soufflera sans doute jamais ses dix-huit bougies. D’autres malades l’entourent. Certains sont âgés : ils ont au moins vécu avant d’arriver là... Et il y a Sylvie. A quinze ans, elle possède une force, un instinct de vie à nul autre pareil. Ces deux-là sont bien décidés à ne pas se laisser déposséder de la moindre once de vie qui leur appartient.
Ces deux jeunes gens vont, non pas tourner le dos à la mort, mais la tenir en respect pour qu’elle ne leur vole rien avant que n’arrive son heure. Par leur fougue, ils vont remettre de la vie dans un service hospitalier qui ne la considère plus que comme un bien qu’ils croient préserver en la mettant sous cloche.
Oui, ils sont malades, ils nécessitent des soins intensifs. Mais non, cela ne justifie en rien de les priver de l’intimité qui leur est indispensable comme à tout ado, ni des plaisirs de l’existence qu’ils pourraient encore goûter.
Mais le plus difficile est de le faire comprendre aux autres, famille et personnel soignant. Pour ceux-ci, il importe de durer, de faire reculer le plus possible l’inexorable issue. Pour eux, quelques jours, quelques heures gagnés sont une morne victoire. Alors que pour ces adolescents dont l’âme est pleine de sève, qu’importe de durer un peu si c’est au prix de l’ennui et de la sagesse qui sont si étrangers à leur âge ?
Ce livre, jamais larmoyant et très juste, me semble-t-il, nous invite à considérer les malades comme des individus à part entière, exigeant que leur dignité et leur libre-arbitre soient respectés. Il nous suggère de mettre au second plan l’immense douleur qu’on ressent inévitablement lorsqu’on accompagne un être aimé au seuil de la mort pour donner du sens à chacun des précieux instants qui restent à vivre.
Sans doute est-ce beaucoup demander à un individu, en particulier lorsque c’est son propre enfant qu’il va perdre.
Mais l’auteur nous permet, avec élégance et finesse, d’envisager une réflexion sur le thème de l’accompagnement en fin de vie, un sujet pourtant bien difficile à aborder.
Si j’avais un seul bémol à formuler, il concernerait la traduction. Le jeune héros est un Américain. Il a les tics de langage d’un ado de son pays, et il aurait été judicieux de les adapter pour qu’on ne ressente pas ce décalage linguistique. J’avoue que cela m’a un tout petit peu gênée au début. Ce livre parle en effet d’une expérience universelle. Cette unité de soins palliatifs pourrait se trouver n’importe où au monde.
Mais que ce détail ne vous empêche pas de vous saisir de ce livre plein de grâce...
Découvrez aussi l'avis de Sophie
Découvrez aussi l'avis de Sophie