lundi 11 novembre 2024

Hollywood s’en va en guerre

Olivier Barde-Capuçon
Gallimard Série noire, 2023


Ce n’est un secret pour personne, l’industrie hollywoodienne est la machine de guerre du soft power américain. Olivier Barde-Capuçon, connu pour ses intrigues policières se déroulant à la cour de Louis XV, nous entraîne cette fois aux Etats-Unis au début des années 40. Le président Roosevelt est convaincu que son pays doit entrer en guerre, mais se heurte à un fort mouvement de résistance : pour America First (eh oui, le slogan ne date pas d’hier) les Américains n’ont pas à aller perdre la vie dans un conflit qui ne les concerne pas. L’idée naît alors au plus haut sommet de l’Etat de favoriser la production d’un film propre à faire basculer l’opinion publique.


Et pour cela, il faut des stars. Errol Flynn tiendra le haut de l’affiche avec l’une des actrices les plus bankable du moment, la superbe Lala. Bien sûr, du côté de l’opposition, tout va être mis en oeuvre pour en empêcher la réalisation. Aussi, lorsque Lala est victime d’une tentative de chantage, la détective Vicky Mallone est-elle appelée à la rescousse. Mais les ennuis ne vont pas s'arrêter là…


Avec ce roman se déroulant à ce que l'on considère aussi bien en littérature qu’au cinéma comme l’âge d’or du polar, l’auteur se plaît à s’approprier les codes du genre et à nous plonger dans l’atmosphère de l’époque. S’il se met toutefois au goût du jour en attribuant le rôle de détective privé à une femme, celle-ci fume comme un sapeur, boit comme un cosaque et multiplie les conquêtes… féminines. Il est assez plaisant de voir jouer de ces stéréotypes, et les seconds rôles sont tout à fait amusants. Le vibrionnant Errol Flynn, notamment, est particulièrement bien campé. Le contexte et les enjeux de ce moment historique sont quant à eux très bien mis en lumière. Mais je dois dire que l’intrigue en elle-même m’a semblé à la fois trop diluée et pécher par un trop-plein de rebondissements et d’interventions providentielles manquant singulièrement de finesse.


En relisant le commentaire que j’avais d’ailleurs écrit sur un précédent roman de l’auteur, je m’aperçois que j’avais déjà émis le même type de réserves : un réel talent pour restituer le climat et les enjeux d’une époque, mais une intrigue modérément convaincante. Peut-être pourrait-il s'affranchir du genre policier et s'essayer à la littérature dite « blanche »... 







samedi 2 novembre 2024

Poupées roumaines

Marie Khazrai
Les Avrils, 2024


Une mère roumaine et un père iranien : voilà un bon départ pour un roman, de quoi entraîner le lecteur vers des horizons quelque peu dépaysants. D’ailleurs, Marie Khazrai ne s’en prive guère et ne perd pas son temps : à peine le lecteur a-t-il ouvert le roman qu’un voyage lui est promis.


Car la jeune femme qui livre son histoire entend retourner sur la terre qui a vu naître sa mère, et que celle-ci avait fuie pour la France afin d’offrir à sa fille une vie meilleure. Ainsi se retrouve-t-elle six jours durant aux côtés de sa grand mère, de sa tante et de sa mère - qui l’accompagne -dans un univers rural semblant dater d’un autre temps… Mais retourner là-bas, c’est faire remonter les douloureux souvenirs du communisme, faire face à une condition particulièrement violente à l’égard des femmes, et se confronter aux secrets soigneusement enfouis de cette lignée. 


C’est dans un surprenant univers que nous plonge Marie Khazrai, manière de gynécée qui s’était constitué autant pour se tenir à l’abri des hommes que des sévices du communisme. La narratrice force les portes et tente d’arracher les mots des bouches qui ne veulent pas s’ouvrir pour percer le mystère de ses origines. 


Mêlant contes et légendes des Carpates et saisissants instantanés de vie, l’auteure déploie une langue vive et heurtée pour dire l’amour qui, derrière leur apparente âpreté, unit ces femmes blessées. Si le propos n’a rien d’original (ce qui n’ôte rien à son intérêt), le style est quant à lui assez singulier. Avec ses chapitres courts, l’auteure va très vite, ne laissant guère à son lecteur le temps de reprendre son souffle. Elle parvient ainsi à restituer le sentiment d’urgence et la confusion dans lesquels évolue l’héroïne. Certes, on se sent parfois un peu désorienté. Mais n’est-ce pas aussi ce que l’on cherche lorsqu’on part pour d’autres cieux ? Ainsi l’immersion aura-t-elle été totale, et le voyage assez fascinant.