Charlotte Hellman
Philippe Rey, 2019
Drôle de titre que cette injonction qui en dit si peu sur le sujet du livre ! Heureusement, le bandeau - si souvent superflu - se révèle ici précieux pour éclairer la lanterne du lecteur.
Les vies amoureuses de Paul Signac, donc. Voici un nom qui a tout de suite retenu mon attention. Car - désolée pour la platitude et la banalité du propos -, j'adore le pointillisme et, par voie de conséquence, Signac qui en est l’un des grands représentants. C’est donc sur la seule foi de ce nom que je me suis plongée dans cette lecture... occultant ainsi complètement l’autre partie de l’accroche. Mais il est certain que l’éditeur ne trompe pas son monde, et c’est bien par le biais sentimental que l’on découvre le bonhomme.
Vous dire que c’est l’angle qui m’intéresse le plus serait sans doute mensonger et, à mi-chemin de ma lecture, j’avoue avoir connu un moment de doute sur le bien-fondé de mon choix.
Cependant, on est loin de Voici, vous vous en doutez bien. D’autant que c’est l’arrière-petite-fille du peintre, aujourd’hui responsable des Archives Signac, qui signe ce récit biographique, lui donnant ainsi des allures d’enquête familiale. C’est un regard empreint de bienveillance, mais non dénué de lucidité, et d’une profonde tendresse que Charlotte Hellman pose sur l’artiste.
Avant d’ouvrir ce livre, je ne connaissais pas du tout Signac. Résolument pacifiste, attentif à toute forme de progrès, engagé aux côtés de Zola dans la défense du capitaine Dreyfus, ardent promoteur des avant-gardes artistiques à travers notamment le Salon des Indépendants qu’il présida près de trois décennies durant, il m’est vite apparu très sympathique. Mais il est toujours surprenant de voir à quel point les personnalités les plus progressistes peuvent parfois rester conservatrices dans la gestion de leur vie privée!
En 1892, il épouse Berthe, avec laquelle il mène une vie bourgeoise, entre Paris et Saint-Tropez, qui n’est encore qu’un modeste village provençal. Tout se corse, à partir des années 1908-1910, lorsque Signac tombe sous le charme... de sa voisine de palier, Jeanne, qu’il fréquente avec une certaine assiduité, le couple Signac s’étant lié d’amitié avec celui que forment la jeune femme et son mari. On n’est pas loin du vaudeville !
En 1892, il épouse Berthe, avec laquelle il mène une vie bourgeoise, entre Paris et Saint-Tropez, qui n’est encore qu’un modeste village provençal. Tout se corse, à partir des années 1908-1910, lorsque Signac tombe sous le charme... de sa voisine de palier, Jeanne, qu’il fréquente avec une certaine assiduité, le couple Signac s’étant lié d’amitié avec celui que forment la jeune femme et son mari. On n’est pas loin du vaudeville !
Sauf que pas du tout, car Jeanne va divorcer, renonçant ainsi à la garde de ses trois enfants, pour s’installer avec Paul, qui refuse quant à lui d’en faire autant. Il laissera à Berthe la jouissance du logement parisien et de la maison provençale, viendra déjeuner avec elle une fois par semaine, passera même des vacances avec elle, et ne laissera pas passer un seul jour sans lui écrire une missive pour lui témoigner son attachement. Et lorsque de son union avec Jeanne naîtra la petite Ginette, il effectuera les démarches visant à la faire adopter par Berthe, qui n’a jamais pu avoir d’enfant, afin d’assurer l’héritage et l’avenir de la fillette.
A partir des quelques photos de famille qu’elle a pu retrouver et des neuf mille lettres que Paul adressa à Berthe et que celle-ci conserva - alors que celles de Berthe furent vraisemblablement détruites par Jeanne -, Charlotte Hellman s’efforce de comprendre les liens qu’entretenait cet étrange trio, interrogeant tout à la fois les ressorts psychologiques des protagonistes et les règles qui régissaient alors la société. A travers cette histoire somme toute banale, elle révèle tout à la fois la personnalité méconnue d’un artiste majeur et les différents carcans conventionnels et sociaux d’une époque, ne se privant pas d’en souligner le poids et de mesurer le chemin parcouru.
Certes, je n’en ai pas appris autant que j’aurais pu le souhaiter sur la dimension et l’apport artistiques de Paul Signac. Mais Charlotte Hellman m’a offert le témoignage fin et sensible d’une époque que j’ai toujours trouvée passionnante !