Adeline Baldacchino
Fayard, 2018
Il fallait bien que ce roman fût bref et sélectionné par les 68 Premières fois pour que je m’en inflige l’intégralité de la lecture. Pourtant, le titre autant que la couverture - très réussie - avaient tout pour me séduire. Refuser l’arbitraire, l’injustice, la cruauté et toute forme de discrimination est vraiment quelque chose qu’il m’importe de défendre. Quant au courage qu’il fallut dans les années 30 pour s’opposer ouvertement à Hitler, je ne peux que l’imaginer, mais je sais, comme chacun, qu’il fallait qu’il soit immense.
Partant d’une photo prise en 1936 sur un quai de Hambourg, montrant un homme, bras ostensiblement croisés, au milieu de la foule saluant bras tendu la venue du chancelier, Adeline Baldacchino retrace l’histoire de ce héros ordinaire. D’après ses recherches, il s’agirait d’un certain August Landmesser, ouvrier sur les chantiers navals, ayant eu une liaison avec une femme juive. Mais son nom, à vrai dire, importe peu et l’auteure se sert des informations qu’elle a pu recueillir à son sujet et de ses connaissances historiques pour imaginer les conséquences qu’entraîna sur sa vie cet acte de résistance.
Commençons par relever, tout de même, le point fort de ce roman avant que je vous révèle en quoi je le trouve insupportable et stérile. Adeline Baldacchino connaît manifestement bien son sujet et, de la nuit de Cristal au statut des juifs et des décrets d’application de la loi sur la citoyenneté du Reich, rien de l’Allemagne de cette époque ne semble avoir de secret pour elle. Le contexte historique est donc parfaitement établi.
Au-delà du travail très documenté qu’elle a effectué, l’auteure est horrifiée par les atrocités qui furent perpétrées à l’époque. Comment ne pas l’être ? Tandis qu’elle raconte l’ignominie des lois qui empêchaient un homme - aryen - et une femme - juive - de s’aimer et de concevoir ensemble des enfants, elle s’interroge. Pourquoi ? Pourquoi ce déchaînement de haine ? Qu’ont-ils fait de notre amour, Irma, comment peuvent-ils croire qu’on abîme le monde quand on s’embrasse, qu’on abîme la race quand on s’enlace ? ne cesse de répéter August tout au long de ces pages. Certes, cette question, nous pouvons tous nous la poser, mais nulle réponse n’est possible. On peut la poser dix fois, cent fois, cinq cents fois comme le fait l’auteure, la réponse ne viendra jamais. Tout simplement parce qu’il n’y en a pas.
La seule question me semble devoir être non pas pourquoi, mais comment une telle horreur, une telle négation de toute forme d’humanité a pu advenir. Comprendre pour empêcher qu’une telle monstruosité ne se reproduise.
Dès lors, se placer uniquement sur le terrain de l’émotion, comme le fait l’auteure, prive de cette faculté d’analyse. C’est au contraire une attitude qui appelle l’effroi, un sentiment stérile. Je sais les atrocités. Je sais la douleur. Je sais l’horreur et il est certes nécessaire de ne pas les oublier pour ne pas, notamment, laisser place au négationnisme. Mais que m’apporte le lancinant regret, maintes fois répété, d’August d’avoir choisi de prendre la route plutôt qu’une voie maritime pour passer la frontière et échapper ainsi à ses bourreaux ? Que m’apporte la lecture de cette scène où des SA jouent au foot avec une balle qui est un bébé qu’ils finiront par jeter par la fenêtre ? Que m’apportent les atermoiements d’une auteure qui voudrai[t] n’avoir pas à raconter ce genre de scène, parce qu’[elle] voudrai[t] qu’elle n’ait pas existé ? Rien, si ce n’est la nausée d’avoir à lire ce genre de scène parce que je voudrais, moi aussi, qu’elle n’ait pas existé.
La lecture de ce livre ne m’aura donc rien inspiré d’autre qu’un profond dégoût. Et renforcé, peut-être, la conviction que sur le terrain de l’abjection, il faut avoir la force de dépasser ses émotions pour rester vigilant et combattre la haine et le rejet de l’autre partout où ils se peuvent trouver.
Nicole, quant à elle, a trouvé ce texte d'une grande force.
Nicole, quant à elle, a trouvé ce texte d'une grande force.
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