Victor Del Arbol
Actes Sud, 2015
Traduit de l'espagnol par Claude Bleton
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Une vaste fresque donnant à voir un XXe siècle qui malmena plus que jamais les fondements de l'humanité.
Dans son troisième roman, Victor del Arbol reste fidèle à une structure narrative périlleuse, qu’il maîtrise pourtant avec talent, pour embrasser rien moins que l’histoire sombre du XXe siècle. Passant alternativement de personnages vivant à Barcelone au début des années 2000 à d’autres évoluant de l’URSS des années 30 à l’Europe de l’après-guerre, l’auteur tire les fils de deux histoires qui vont peu à peu se nouer pour former une terrifiante fresque.
Del Arbol revisite ainsi la Russie stalinienne, la guerre d’Espagne et la Seconde guerre mondiale en s’interrogeant sur la manière dont les idéaux et les utopies ont pu conduire à une sauvagerie sans égale et ouvrir sur des systèmes mafieux qui gangrènent aujourd’hui le monde.
Au-delà des tragiques événements qui font le cadre de ce roman, c’est l’humanité que sonde del Arbol. Comment un homme, y compris celui qui est animé d’intentions altruistes, peut-il devenir un monstre ? Comment les plus bas instincts peuvent-ils saillir chez l’homme, même le plus cultivé ? Qu’est-ce qui peut annihiler chez lui tout ce qui était constitutif de son identité - sentiments, idéaux, convictions ?
Quels que soient les lieux et les époques, le point commun à tous ces drames est cette réduction de l’homme à une sorte d’animalité, où seul domine l’instinct de survie, celui-là même qui permet de commettre des actes d’une inconcevable barbarie pour humilier et vaincre l’individu qui est en face.
Ainsi les héros de ce roman sont-ils tous, d’une manière à une autre, confrontés à des situations d’une extrême violence qui vont modeler leur psychologie et orienter leurs actes.
Des actes de même nature, commis parfois au nom de causes diamétralement opposées. Les individus ne sont plus alors que la somme de ces actes, et leur élévation au statut de héros, de victime ou de bourreau ne dépend que de l’issue du conflit dans lequel ils se sont illustrés.
Il n’est pas anodin que cette considération provienne d’un auteur espagnol. La guerre civile qui a opposé une partie de la population à l’autre et la dictature franquiste qui s’en est suivie ont profondément et durablement marqué la société espagnole, qui en porte aujourd’hui encore les stigmates. Andres Trapiello, dans son livre Plus jamais ça, ne disait pas autre chose. Vainqueurs et vaincus d’hier cohabitent en effet au sein de la démocratie qui a succédé à la mort paisible du tyran.
Comme dans La Tristesse du samouraï, Victor del Arbol peint un tableau d’une grande force, dans lequel il ne nous épargne aucune vicissitude. Mais il a un réel talent pour évoquer la violence, voire la barbarie, sans se complaire dans des détails pénibles. C’est pourquoi en dépit du malaise suscité par les horreurs qu’il évoque, les quelque 600 pages de son roman se lisent d’une traite.
C’est noir, c’est très noir ; mais nous n’en avons malheureusement pas fini avec la barbarie qui présente désormais de nouveaux visages. Aussi faut-il la regarder en face pour mieux la connaître et ainsi mieux la combattre.
Découvrez ici la critique de Tynn
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