Laurent Mauvignier
Minuit 2016
Au bout du monde
Mauvignier écrit bien. Très bien. Il m’avait littéralement éblouie avec son précédent roman, Autour du monde, tant par son style que par la construction de son texte qui nous entraînait avec maestria d’un continent à l’autre et de personnage en personnage.
Cette fois, il restreint considérablement sa focale pour s’intéresser à la relation singulière qui unit une mère et son fils, dans un moment particulièrement délicat : celui où un jeune garçon s’émancipe du cercle familial pour se préparer à prendre son envol. Etant moi-même mère d’un pré-adolescent, découvrir la mue d’un jeune homme à travers le regard parfois déconcerté de sa mère ne devait pas manquer de me toucher…
Je les ai donc accompagnés dans leur périple à travers le Kirghizistan. Initié par Sibylle, ce voyage effectué à cheval, dans des conditions aussi éloignées que possible de leurs habitudes et de leur confort, a pour but de restaurer le lien qui l’unit à Samuel et de permettre à celui-ci de prendre conscience des vraies valeurs de l’existence. Un voyage initiatique, en somme, qui se révèle loin d’être désagréable, les paysages y étant envoûtants, et les personnages rencontrés sur la route pittoresques.
Sauf qu’on n’y croit pas beaucoup, à cette histoire. Ce ne sont pas tant les événements relatés par l’auteur qui sont en cause que le caractère assez inconsistant de ses héros. A aucun moment je n’ai pu m’identifier à Sybille, totalement évanescente et qu’on imagine fort mal partir ainsi au bout du monde pour plusieurs mois dans des conditions aussi précaires. Quant à Samuel, il est certes à un âge généralement qualifié d’ingrat, mais il aurait cependant mérité lui aussi un peu plus d’épaisseur.
On pourrait toutefois pardonner cet écueil à l’auteur si, parvenu aux deux tiers de son récit, il ne lui était pas venu l’étrange idée d’évoquer la peur du terrorisme (qui serait donc responsable de l’inertie de Samuel) engendrant la haine des musulmans (comme en témoigne laconiquement le-dit Samuel). Pour ajouter un peu de perspective, Mauvignier se raccroche aux attentats du RER parisien de 95 (je ne vous dévoile pas par quelle acrobatie, au cas où vous auriez l'envie de le découvrir par vous-même). Bref, cela m'a semblé maladroit, aucunement convaincant et parfaitement déplacé.
La très belle écriture de Mauvignier et l’épisode clôturant l’épopée kirghize, véritable morceau de bravoure, ne suffisent pas à mes yeux à sauver ce roman qui m’a semblé passer à côté de son sujet.
Ce n’est pas la chronique que j’avais imaginé ni envie d’écrire. Mais même aux meilleurs il arrive de s’égarer. Je ne doute pas que Laurent Mauvignier sera plus inspiré pour son prochain livre.
Joëlle et Clara ont quant a elles été très touchées par ce texte
Joëlle et Clara ont quant a elles été très touchées par ce texte