Le Seuil, 2014
Prix Goncourt 2014
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Un témoignage saisissant et très personnel sur la guerre d'Espagne.
Cela fait bien longtemps que je n’avais pas lu un prix Goncourt. Le dernier devait être La nuit sacrée de Tahar Ben Jelloun, c’est dire... Non pas que je sois par principe ou par snobisme opposée aux récompenses (et de toute manière, avec tous les prix qui existent aujourd’hui, on ne pourrait plus lire grand chose !), mais pour moi ce n’est pas un argument en soi. J’ai besoin d’être un peu plus titillée pour ouvrir un livre. Et titillée, je l’étais bel et bien par ce nouveau roman de Lydie Salvayre...
En effet, un roman qui parle de la guerre d’Espagne, qui rappelle comment, il n’y a pas si longtemps de cela, la très sainte Eglise catholique apporta son soutien à des tyrans tortionnaires, et qui s’attache à montrer sur quel terreau a pu surgir l’horreur, ne pouvait que m’intéresser.
Lydie Salvayre aborde ces thèmes par un biais très personnel et un ton tout à fait singulier, puisqu’elle s’appuie sur le témoignage de sa mère. Elle croise à la fois les souvenirs de celle-ci, qu’ils soient bien réels ou recomposés, et les réflexions que lui a inspirées la lecture des Grands cimetières sous la lune, œuvre que Georges Bernanos, écrivain catholique conservateur, écrivit sous l’impulsion du dégoût que lui inspirèrent les positions et les actes du clergé espagnol dont il fut le témoin.
Lydie Salvayre fait preuve d’un talent certain pour montrer, à travers l’expérience de sa famille, les clivages de la société espagnole d’alors. Elle montre également comment les idéaux de partage et de solidarité se heurtèrent aux petites rivalités, aux petits intérêts personnels, facilitant ainsi la victoire des phalangistes sur les républicains. Ce qu’elle montre encore très bien, c’est l’improvisation qui caractérisa les combattants de la liberté qui, de ce fait, n’étaient pas suffisamment armés, au sens propre comme au sens figuré, pour livrer bataille contre leur ennemi.
Pour donner chair à son récit, l’auteur choisit de retrouver et de reproduire la langue de sa mère, une langue où les mots sont parfois métissés, parfois malmenés et où l’espagnol a droit de cité (les non hispanophones peuvent d’ailleurs à certains moments avoir le sentiment de perdre quelque chose...). Cela donne un récit extrêmement vivant, qui nous rappelle à quel point il faut rester vigilant.
Coup de chapeau d’ailleurs aux membres du jury du Goncourt pour avoir mis dans la lumière un livre qui parle de cette époque où certains eurent le courage de défendre leur dignité et leur liberté au prix de leur vie. Par les temps qui courent, ce n’est certes pas vain.