Une récente lecture m’a replongée dans mes années estudiantines. Une époque qui m’apparaît bien lointaine. Peut-être parce que la vie universitaire m'a offert un confortable cocon qui ne m'avait guère préparée à la vie en entreprise. Mais plus sûrement aussi parce que cette vie appartenait à un autre siècle... et pas forcément à celui auquel vous pensez. Car dans les années 1990, moi, je vivais au XIXe siècle ! Eh oui, j’étais constamment plongée dans le monde de Zola, Balzac, Flaubert, Maupassant ou, bien sûr, Vallès, et j'avais quasiment élu domicile au musée d’Orsay, où j'avais d’ailleurs effectué un stage.
Aujourd’hui, je ne lis plus guère de classiques, mais quand des contemporains font des auteurs qui ont enchanté mes plus jeunes années les héros de leurs propres romans, je ne résiste pas au plaisir de passer ainsi quelques heures, à nouveau, en leur compagnie.
Cela m’a donné l’occasion de lire des textes savoureux et parfois vraiment magnifiques. Pensant qu’il pouvait y avoir d’autres amateurs, j’ai eu envie de vous proposer cet hommage, cette petite sélection toute subjective qui n’a rien d’exhaustif et qui réunit des romans pour lesquels j’ai une affection toute particulière...
A tout seigneur, tout honneur, commençons donc par Dumas, qui m’a ouvert les portes de ce merveilleux siècle littéraire.
Comment ne pas se délecter de la lecture de ce charmant petit roman mettant en scène de nos jours une jeune femme qui, à la suite d'une violente agression, est secourue par le héros de son enfance, l’aîné des mousquetaires, Athos.
Véritable déclaration d’amour à l’auteur des Trois mousquetaires, ce Roman ivre, pétillant et plein de malice, rend un hommage appuyé à Dumas, mais aussi à d’autres grandes figures littéraires de ce siècle, et plus généralement à la littérature.
Le roman ivre, Isabelle Stibbe, Robert Laffont, 2018
Ah ! Flaubert ! La bête noire de générations et de générations de lycéens qui n’ont pas eu la chance d’avoir comme moi en classe de première un professeur de français qui sache transmettre sa passion pour cet écrivain et révéler toute la richesse et la finesse de ses romans.
A n’en pas douter, Catherine Vigourt, qui enseigne elle-même le français, sait trouver des mots différents, loin de tout académisme, pour évoquer cette grande figure. Dans son réjouissant roman, elle va jusqu’à le réincarner de nos jours en un auteur de bestsellers scandinave !
Mais Flaubert reste Flaubert, et le regard qu’il porte sur le monde n’a rien perdu de son acuité...
Mais Flaubert reste Flaubert, et le regard qu’il porte sur le monde n’a rien perdu de son acuité...
Le retour de Gustav Flötberg, Catherine Vigourt, Gallimard, 2018
Eugène Sue, un des rares auteurs de cette époque que je n’ai pas lu et que je connais donc très mal...
Dans son roman, il mêle avec une incroyable virtuosité les éléments de biographie de l’écrivain avec l’histoire et les personnages de son œuvre majeure, Les mystères de Paris, pour retracer le cheminement qui l’a conduit à l’écriture et l’engagement politique qui en a résulté. C’est parfaitement mené et ça se lit avec le plaisir et l’avidité qu’eurent en d’autres temps les lecteurs des feuilletons du grand Eugène !
Au jour le jour, Paul Vacca, Belfond, 2017
Quant à Balzac, on ne peut pas dire que j'aie tout de suite sympathisé avec lui. Mais une fois entrée dans son univers, je n’eus plus du tout envie de le quitter (même si, au regard de l’ampleur de son œuvre, je n’en ai lu qu’une petite partie...)
Le roman de Bertrand Leclair ne met pas en scène l’écrivain, mais c’est un roman à la saveur unique, qui m’a procuré une sensation inédite et jubilatoire. Bertrand Leclair s’est en effet livré à l’écriture d’un remake. C’est-à-dire qu’il a transposé le personnage de Pons à notre époque, écrivant un récit à la manière de Balzac dans un monde dont nous possédons tous les codes et toutes les références.
Amateurs de littérature du XIXe siècle, je vous invite vivement à faire cette expérience : lire un roman exactement comme si vous étiez un lecteur contemporain de Balzac. Vraiment étonnant !
Le bonhomme Pons, Bertrand Leclair, Belfond, 2014
Victor Hugo, évidemment. Il se taille ici la part du lion - et je ne dis pas seulement ça parce qu’Hugo Boris en a fait un fauve - avec deux ouvrages absolument remarquables.
Hugo est l’une des trois figures que Boris a choisi d’évoquer dans ce triptyque, les deux autres étant Danton et Churchill. Ces portraits, réellement saisissants, ont la finesse, la fulgurance et la puissance d’évocation de croquis tracés à la mine d’un simple crayon. Absolument splendides !
Trois grands fauves, Hugo Boris, Belfond, 2013 (Pocket, 2015)
Victor Hugo vient de mourir, Judith Perrignon, L’iconoclaste 2015 (Pocket, 2017)
Naturellement, j’ai gardé le meilleur pour la fin ! S’il est un écrivain qui me touche et que j’ai le sentiment de connaître intimement pour avoir tout lu (voire relu) de lui - romans, articles de presse, théâtre (oui, il a écrit une pièce) et même correspondance -, c’est bien Jules Vallès.
S’il n’est évidemment pas le seul héros du roman que Michèle Audin a consacré à la Commune de Paris, Comme une rivière bleue, son titre est un hommage rendu à l’auteur, auquel l’image relative à la révolution qui passe est empruntée. Vallès y apparaît parmi les Parisiens qui, 72 jours durant, tentèrent de jeter les bases d’un monde nouveau, plus juste et plus égalitaire. Dans ce très beau roman qui fait la part belle à tous les anonymes qui prirent part à l’événement, Michèle Audin restitue l’espoir et l’atmosphère qui régnaient alors, avant qu’un bain de sang ne vienne réduire les protagonistes au silence et à l’oubli.
Je ne peux que vous encourager à le lire.
Je ne peux que vous encourager à le lire.
Comme une rivière bleue, Michèle Audin, L’arbalète Gallimard, 2017
Et si vous avez à votre tour de belles suggestions à me faire, n’hésitez pas. (Surtout si vous connaissez un bon roman mettant en scène celui qui est pour moi ici le grand absent: Zola!)