Elsa Flageul
Julliard, 2016
Un récit lumineux et touchant, une histoire à la fois intime et universelle.
Mais qui sont donc les mijaurées qu’évoque le titre, qui pourrait paraître quelque peu péjoratif, de ce livre ?
Simplement deux adolescentes qui, dans les années 90, vont se rencontrer et vivre une relation amicale d’une rare intensité.
L’histoire de Clara et Lucile est une histoire propre à éveiller en chaque lectrice des souvenirs, des images, qui lui rappellera les échanges de regards complices ou les délicieux fous rires qu’elle a elle-même connus. Elle fera resurgir les saveurs singulières de l’adolescence. C’est en tout cas ce qui m’est arrivé à la lecture de ce roman.
Clara et Lucile sont deux jeunes élèves de quatrième, qu’une amitié sans faille va très vite unir. Une de ces amitiés entières, exclusives, dévorantes, de celles qui ne naissent que dans l’enfance, au moment où l’on découvre la vie avec cet étonnant mélange de pudeur et de spontanéité, avant que les attitudes ne deviennent progressivement, mais inexorablement, plus convenues, plus mesurées, plus fades aussi sans doute.
Raconté à la première personne par Clara, ce récit entre avec beaucoup de justesse dans l’intimité de cette relation où l’amitié confine à l’amour, celui que l’on pourrait éprouver pour une sœur, mais une sœur qu’on se serait choisie. Ensemble, les deux jeunes filles se découvrent une assurance qui, individuellement, leur manque cruellement. Au contact l’une de l’autre, en se découvrant et en se comprenant mutuellement, chacune se forge sa propre personnalité. Elles mettent tout en commun, les joies et les peines, partagent leurs doutes et leurs victoires, parviennent à tracer leur sillon ; ensemble, elles affrontent les premières épreuves de l'existence et surmontent les obstacles qui se dressent devant elles.
Lorsque Clara entame son récit, les deux jeunes filles sont devenues adultes, et on devine que leurs chemins ont pris des tours différents, qu’elles se sont un peu éloignées l’une de l’autre. Mais ces amitiés d’enfance créent des liens si puissants qu’elles laissent une empreinte profonde et indélébile chez toutes celles qui ont eu la chance d’en connaître une. Quoi qu’il advienne, Clara sera toujours là pour sa Lucile.
Elsa Flageul signe un roman d’une grande délicatesse, empreint d’une certaine nostalgie, pour une époque qui n’est plus – celle des téléphones fixes, celle de la Mano Negra et de Khaled, mais surtout celle d’une jeunesse et d’une insouciance disparues. Un roman à la fois grave et tendre, sensible et juste, servi par une plume précise et sans afféteries.
Un billet que je dédie bien évidemment à ma Sarah.