Métailié, 2018
Traduit de l'espagnol (Argentine) par François Gaudry
Année 2004. A La Turballe, paisible petite commune de la côte bretonne située non loin de Guérande, le cadavre d’une femme est retrouvé par des pêcheurs. Un suicide ? Muriel, la jeune journaliste locale appelée à couvrir ce fait divers, n’y croit guère... Il faut dire que Marie Le Boullec est d’origine argentine et que les modalités de son décès rappellent étrangement les innombrables victimes des vols de la mort perpétrés sous la dictature militaire.
Epaulée par un ami hispanophone et par la voisine de Marie, Geneviève, qui avait tissé avec elle des liens d’amitié, Muriel conduit une enquête qui l’amène à s’interroger sur l’identité de la victime. Quel est le passé de cette femme ? Etait-elle vraiment celle qu’elle prétendait être ? Tandis que le trio tente de tirer ces questions au clair, il se documente également sur l’histoire de la dictature. Et lorsque Muriel découvre que Marie avait eu des échanges de mails et des discussions par chat avec un énigmatique Argentin, le lien entre la mort de cette femme et l’histoire récente de ce pays ne fait plus aucun doute...
Elsa Osorio s’y entend comme personne pour révéler l’histoire de la période la plus noire de son pays en nouant les fils d’une intrigue captivante. Déjà, dans le fabuleux Luz ou le temps sauvage que j’ai lu il y a près de vingt ans et dont je me souviens pourtant avec une absolue netteté, elle empruntait au roman policier pour révéler l’horreur du trafic des bébés volés.
En alternant le récit d’une femme aux identités multiples écrivant une vibrante confession destinée à son fils afin que celui-ci comprenne pourquoi elle dut se séparer de lui, avec l’enquête menée par la journaliste, Elsa Osorio parvient à restituer un tableau saisissant de ce que fut cette dictature. Elle adopte ainsi deux points de vue qu’elle entremêle avec habileté, celui distancié de l’historien et celui vibrant d’émotion du témoin relatant sa terrible et révoltante expérience.
Maîtriser à ce point l’art de conjuguer le plaisir d’une lecture haletante avec l’exigence d’un récit extrêmement documenté relève d’un talent suffisamment rare pour ne pas passer à côté !
Si la dictature argentine a pris fin en 1983, de nombreux responsables du régime connurent l'immunité grâce à des lois d'amnistie qui ne furent annulées qu'en 2003. C'est pourquoi la justice, trente-cinq ans après les faits, n'en finit pas de poursuivre son travail. Il y a quelques semaines seulement, le 29 novembre 2017, un verdict à l'encontre d'une cinquantaine de militaires a été rendu à Buenos Aires, au terme d'un procès historique.
Voir l'article du correspondant de RFI du 1er décembre dernier
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