Jonathan Coe
Gallimard, 2019
Traduit de l'anglais par Josée Kamoun
La publication d’un nouveau titre de Jonathan Coe est pour moi toujours une fête ! J’adore la manière dont cet écrivain parvient avec finesse, élégance et un humour so british à capter l’air du temps et à nous révéler l’état de la société anglaise. Et compte tenu du contexte, au-delà du bonheur de retrouver sa prose, son nouveau roman s’annonçait extrêmement instructif... Car, comme vous le savez sans doute, le Brexit est au cœur de ce récit.
En situant le début de son livre en 2010, Coe nous plonge en amont de l’événement qui a bouleversé le pays et l’Europe entière, ce qui lui permet de mettre au jour les différents points de tension qui menèrent au séisme du 23 juin 2016. Et le mot n’est pas trop fort. Car si j’ai eu conscience à l’époque, comme tout un chacun, des conséquences que pouvait avoir ce vote sur l’Europe, ses institutions et son équilibre général, je n’avais en revanche pas mesuré l’ampleur de son impact sur la société anglaise. Or, il a été considérable et le roman de Coe nous en offre un témoignage extrêmement éclairant.
Au-delà du clivage qu’a instauré le choix de rester ou de sortir, ce référendum a cristallisé les antagonismes et les ressentiments plus profonds qui travaillaient les individus et qui se sont alors exprimés jusque dans leurs relations les plus intimes, ce que seul un point de vue intérieur pouvait réellement percevoir. Et que seule la fiction pouvait sans doute révéler.
Mais, pour nous permettre de pénétrer au cœur de cette intimité, le coup de génie de Jonathan Coe a sans doute été de recourir à des héros que nous connaissions, dont nous avions déjà accompagné le cheminement tout au long des années Thatcher et Blair, et que nous aimions. C’est avec une émotion teintée d’excitation que j’ai donc retrouvé les protagonistes de Bienvenue au club et du Cercle fermé que j’avais quittés il y a bien longtemps. Malgré la distance, les souvenirs sont vite remontés à la mémoire et j’ai immédiatement renoué avec les personnages pour lesquels j’avais jadis éprouvé de la tendresse.
J’ai eu la chance d’entendre Jonathan Coe évoquer la manière dont il avait initié l’écriture de ce livre. Revenir à Benjamin Trotter, sa famille et ses comparses pour parler de l’Angleterre du Brexit n’était pas prémédité. Mais ayant le sentiment de ne plus comprendre son pays, la nécessité de recourir à des personnages familiers s’est très vite imposée à lui pour faire face au trouble.
Si le retrait de l’Angleterre de la communauté européenne n’est pas forcément une bonne nouvelle, on peut néanmoins songer qu’il nous aura permis de lire un formidable roman !
Retrouvez Jonathan Coe sur YouTube, lors de sa venue à Paris en mai dernier. Il nous parlait de la naissance de son roman. C'est en anglais, mais un anglais comme on peut l'entendre sur la BBC, fluide et accessible à tous !
Retrouvez Jonathan Coe sur YouTube, lors de sa venue à Paris en mai dernier. Il nous parlait de la naissance de son roman. C'est en anglais, mais un anglais comme on peut l'entendre sur la BBC, fluide et accessible à tous !