mardi 8 janvier 2019

China Dream


Ma Jian

Flammarion, 2019


Traduit de l’anglais par Laurent Barucq


Parce qu’il n’y a pas que Houellebecq dans la vie (littéraire) pour révéler toutes les bassesses et les compromissions dont les hommes sont capables, Flammarion publie également en cette rentrée le nouveau roman d’un dissident chinois exilé en Grande-Bretagne...

Ma Daode est un haut fonctionnaire, un statut qu’il doit à la dévotion qu’il voua autrefois à Mao et à la combativité sans faille dont il fit preuve au sein des Gardes Rouges. Aujourd’hui, il dirige le Bureau du Rêve Chinois, ayant ainsi la lourde responsabilité de mettre en oeuvre le programme défini par le président Xi Jinping.

Mais les temps ont changé. Il n’est plus question de grand rêve communiste égalitaire, mais d’une Chine ayant pour objectif de devenir la première puissance économique mondiale. Plus question de Révolution culturelle ni de Grand bond en avant. Les millions de morts que provoquèrent l’une et l’autre, les humiliations et les infamies sont passés par les oubliettes de l’Histoire.
Alors, lorsque Ma Daode commence à faire des rêves obsédants le replongeant dans sa jeunesse, lorsqu’il voit resurgir sa petite amie de l’époque, morte lors d’affrontements  entre factions rivales des Gardes Rouges, lorsqu’au cours de discours publics il se met à faire malgré lui des allusions à la politique de Mao, il doit trouver au plus vite la formule qui lui permettra de réinitialiser sa mémoire, sous peine d’être destitué... Il doit impérativement faire table rase du passé pour mieux se projeter dans le nouveau Rêve Chinois et continuer ainsi à jouir des nombreux avantages, passe-droits et pots-de-vin que sa position lui assure. Mais comment oublier qu’on a donné la mort, qu’on a humilié et qu’on a renié jusqu’à ses propres parents, conduisant ceux-ci au suicide ? 

Mêlant les souvenirs du héros à sa situation actuelle et en instillant une dose de surnaturel dans une réalité parfaitement triviale, Ma Jian brosse le portrait d’une Chine poussée à l’amnésie par l’Etat qui entend ainsi imposer sa nouvelle politique. Mais aujourd’hui comme hier, la corruption et la volonté de contrôler les esprits demeurent. Et si Mao et son époque ne servent plus que de décor à une farce grotesque - donnant lieu à l’une des scènes les plus drôles et  les plus subversives du roman -, le peuple chinois continue de subir une tyrannie dont l’écrivain est la première victime. Interdit de séjour dans son pays où ses livres sont interdits, il continue pourtant inlassablement d’écrire pour «sonder les ténèbres» et dénoncer «les fausses utopies qui asservissent et infantilisent la Chine depuis 1949». Avec conviction et talent, ajouterais-je.


14 commentaires:

  1. Ah, je l'ai noté celui-ci, contente de ton retour qui confirme. ( que penser de la dose de surnaturel, tu me rends encore plus curieuse )

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    1. C'est assez subtile et ça s'intègre à merveille dans le récit. Je ne suis pas toujours fan, d'ailleurs, de ce type de mélange mais, là, c'est bienvenu.

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  2. beau billet ! qui résume bien ce pays qu'est la Chine !

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    1. Un pays que je ne connais pas du tout ! Et je connais aussi très mal sa littérature. Du coup, c'est un livre vraiment intéressant.

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  3. Je trouve la couverture magnifique... mais je ne suis pas certaine que le contenu soit à mon goût. Je tenterai en bibliothèque !

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    1. Cette couverture a été faite "sur mesure" par un artiste chinois qu'apprécie Ma Jian. Il voulait reprendre l'une de ses oeuvres et l'artiste lui a proposé d'en réaliser une pour le roman.

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  4. Trop longtemps que n'ai pas lu un roman chinois, celui-ci serait parfait pour m'y remettre.

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  5. Aïe aïe aïe... que de lacunes chez moi dans la littérature de cette partie du globe. Un jour, il va falloir que je m'y mette et cet homme me semble parfaitement indiqué pour la balade.

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    1. Alors, en ce qui me concerne, à part Vie et passion d'un gastronome chinois, qui remonte quand même aux calendes... grecques, je ne suis pas sûre d'en avoir lu beaucoup plus que toi :-))

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  6. Il y a une dizaine d'années j'avais bien apprécié, du même, Chemins de poussière rouge. Récit de voyage.

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    1. Pour être honnête, c'est un écrivain que je ne connaissais pas du tout. Il semblerait en effet qu'il ait écrit plusieurs oeuvres tout à fait remarquables...

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  7. Cool parce que je me le suis acheté hier !

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