Philippe Joanny
Grasset, 2019
Ce roman m’ayant été adressé directement par son éditrice, je l’ai lu alors que je ne n’en avais jamais entendu parler, pas plus que de son auteur. Un coup d’oeil sur la quatrième de couverture m’indiqua qu’il s’agissait d’un roman d’apprentissage, relatant l’enfance et l’adolescence d’un garçon ne rentrant pas dans les schémas attendus par ses parents. Pourquoi pas, me suis-je dit, étant plutôt fan du genre, qui a déjà offert de très belles pages de littérature. Et puis l’intrigue s’ouvrait à la fin des années 70, dans le XIIe arrondissement de Paris, à deux pas de la gare de Lyon. Autant dire que je n’allais pas me retrouver en terrain totalement inconnu. Je ne pouvais pas mieux penser...
J’ai tout de suite éprouvé une certaine sympathie pour cet enfant qui, il faut bien le dire, ne partait pas dans la vie avec les meilleurs atouts, entre une mère faisant tourner son hôtel sept jours sur sept, peu encline à prodiguer des gestes tendres à ses deux fils, et un père à tendance alcoolique plus soucieux de conquêtes féminines que de sa vie de famille. A mesure qu'il grandit, le petit garçon prend ses distances avec ce rustre qui ne cache rien de son antisémitisme et ne cesse de vilipender les étrangers venus manger le pain des Français. Sur fond de fête bleu blanc rouge et de dérapages de Le Pen père, le ton est donné...
C’est dans ce contexte que l’enfant fait face à ce qui devient peu à peu une évidence : il est attiré par les garçons. Il n’ose imaginer la réaction d’un tel père découvrant l’homosexualité de son fils. Mais surtout, une maladie surgit, une maladie terrifiante qui fait de plus en plus souvent les titres de l’actualité. Alors qu’il n’en est qu’à éprouver les premiers émois d’une sensualité naissante, s’impose à lui l’idée de la mort.
Si l’obsession du gamin à apercevoir un corps, un sexe, et toutes les manoeuvres auxquelles il se livre pour satisfaire sa curiosité et ses pulsions m’ont parfois un peu lassée, le contexte est parfaitement rappelé, et l’effroi que pouvait ressentir un adolescent se découvrant homosexuel dans les années 80 est restitué avec beaucoup de sensibilité. Se souvient-on des mots employés pour appréhender le sida dont on ne savait encore rien, mais que l’on n’hésitait pas à qualifier de «cancer homosexuel» ?
L’histoire de cet enfant est assez loin de la mienne, mais cette chronique des années 70 et 80 a pourtant éveillé en moi de nombreux souvenirs. D’autant que les petits détails qui émaillent cette existence, pour anecdotiques qu’ils puissent paraître, ont contribué à établir une proximité avec la lectrice que je suis. Il est toujours assez troublant de retrouver une part de soi dans un roman. Or le quartier où se déroule ce récit est le mien, et je garde un souvenir à la fois brumeux et tenace de ce fameux cinéma (Paramount ?) qui se trouvait place de la Bastille, à l’emplacement de l’actuel Opéra ; j’ai été amusée de voir remonter des tréfonds de ma mémoire le nom totalement oublié du général de Bénouville, élu du XIIe arrondissement, qui figurait parmi les bulletins de vote que je glanais lorsque j'accompagnais mes parents les jours d'élections pour ensuite imiter leur geste à la maison en prononçant la formule "a voté"... Et que dire de l’évocation du lycée dans lequel entre le héros : c’était le mien ! Je ne sais pas jusqu’à quel point ce récit est autobiographique, mais ce qui est certain, c'est que compte tenu des dates et des différents éléments, j'aurais pu être l'une des camarades de classe de son personnage !
Quoi qu'il en soit, c’est tout l’attrait et la force de ce type de chronique, en évoquant une histoire personnelle, que de permettre au lecteur de retrouver une part de la sienne.
Heu oui, mais si on ne retrouve pas une part de sa vie? J'aime quand c'est plus universel (mais peut etre que ça l'est aussi)
RépondreSupprimerLe contexte de ces années, peut-être ,n'ai-je pas suffisamment appuyé sur ce point. Mais la montée de l'extrême-droite, la survenue du sida, particulièrement terrifiant lorsqu'on était ado et qu'on entrait dans la vie et qu'on découvrait sa sexualité. Tout cela est très bien dépeint. Alors c'est vrai que le cadre choisi par l'auteur m'a particulièrement renvoyée à ma propre expérience et à mes propres souvenirs, mais je trouve que l'auteur rappelle bien cette époque.
SupprimerPas convaincue pour ma part... la seule chose qui m'a plu c'est la chronique du quartier que j'ai trouvé assez amusante. Pour le reste, rien de bien remarquable, à mon humble avis. Mais mes camarades des 68 n'ont pas encore donné leur avis...
RépondreSupprimerJe trouve quand même qu'il retrace assez bien le climat d'une époque, entre le sida et le cirque de Le Pen. Et en même temps, une adolescence qui se déroule, un garçon qui essaie de se trouver, une vie qui se construit...
SupprimerC'est également le titre d'un roman américain de Pete Fromm. En ne voyant que le titre dans mon reader je me suis dit Delphine qui a lu Pete Fromm, il faut que j'aille voir ça ! :)
RépondreSupprimerHa ha :-D
SupprimerBon ben, pas trop déçu, j'espère ?
J'ai eu exactement le même réflexe que Jérôme !!!! Pour autant, ce roman homonyme pourrait bien me plaire par son thème et la periode qu'il traverse. Je note.
RépondreSupprimerComme quoi, parfois, les malentendus... :-))
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