jeudi 13 septembre 2018

Tu t’appelais Maria Schneider

Vanessa Schneider

Grasset, 2018




Qui n’a jamais entendu parler de Maria Schneider ? Certes, l’actrice aujourd’hui décédée avait depuis bien longtemps disparu des radars du cinéma, mais son nom n’en conservait pas moins l’aura sulfureuse que lui avait conférée son rôle dans Le dernier tango à Paris. Un film dont elle partageait la vedette avec un Brando vieillissant et en perte de vitesse. Si ce film relança alors la carrière de la star, il n’en alla pas de même pour Maria, dont le personnage de Jeanne signa le début autant qu’il sonna le glas de la sienne.

C’était son premier grand rôle, elle était âgée de 19 ans et ne se releva jamais de cette expérience ni de l’image dans laquelle celle-ci l’enferma. Si, comme moi, vous n’avez jamais vu le film, vous en connaissez au moins le sujet et savez le scandale retentissant qu’il suscita. Tout comme vous devez avoir connaissance de cette scène brutale de sodomie à l’aide d’une motte de beurre autour de laquelle se cristallisèrent toutes les critiques. 
Ce que l’on apprit bien plus tard, c’est que cette scène ne figurait pas dans le scénario. Elle fut imaginée par Bertolucci et Brando le matin même de la prise. Aussi Maria ne savait-elle pas ce qui l’attendait. Cette scène, elle ne la joua pas. Elle vécut réellement l’emprise et la domination que voulait traduire le réalisateur.

D'aucuns crurent qu'après un tel rôle, Maria ne pouvait - ou ne devait - plus se rhabiller. Celle-ci ne se vit plus proposer que des personnages de prostituée ou de fille paumée. Elle sombra dans la drogue, et les magazines se délectèrent de l’histoire de cette si jolie fille perdue, histoire qui permettait de démontrer à peu de frais combien la permissivité des seventies était un danger contre lequel il fallait se prémunir...

Vanessa Schneider est la cousine de la comédienne. Elle éprouvait pour elle une profonde et sincère affection. D’une quinzaine d’années sa cadette, elle perçut nettement la détresse de la jeune femme, même si elle en ignorait alors les causes. C'est ce qui lui permet d'écrire aujourd'hui un livre dans lequel elle pose un regard  singulier et tendre sur elle. 

Un regard à la fois distancié, tant ces années semblent aujourd’hui loin de nous, mais aussi très intime, puisqu’il relate une histoire familiale. Et c’est dans ce grand écart que réside toute sa force. Car en même temps qu’elle trace le portrait sensible de sa cousine, la dépouillant de toutes les scories médiatiques pour tenter de retrouver derrière le personnage public la personne qu’elle aimait, l'auteure sonde une époque qui fut peut-être plus violente pour les femmes qu’elle prétendit l’être : la libération sexuelle ne les exposa-t-elle pas plus crûment que jamais à la satisfaction du désir masculin ? 

Nous avons sans doute le recul nécessaire désormais pour nous interroger, sans, évidemment, que soient remises en cause les avancées qui résultèrent des combats féministes. Ces préoccupations relatives au corps et à la place des femmes dans la société sont, on le sait, au coeur des débats actuels. Il n'est pas surprenant que plus d'un livre viennent, en cette rentrée littéraire, y apporter un éclairage. Et avec quel talent.


17 commentaires:

  1. C'est ma prochaine lecture reçue grâce au Prix Elle ! Sans cela je ne me serai pas retournée sur ce livre, une belle decouverte en perspective !

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    1. De l'intérêt d'être juré de prix littéraires : on peut y faire de belles découvertes !

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  2. Un livre qui au départ ne me disait rien, mais j'entends plutôt de bons avis.

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  3. Il figure parmi mes envies à moyen terme, j'aime beaucoup les articles de Vanessa Schneider et je ne doute pas qu'elle parvienne à offrir un livre intéressant... Si tu valides, en plus :-)

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  4. Je suis sûre que c'est un livre d'un grand talent. J'aime beaucoup cette journaliste. Merci pour m'inciter à feuilleter (au moins) un ouvrage de la fameuse rentrée littéraire.
    Bon week end.

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    1. Je suis ravie de vous avoir donné cette envie !
      Ceci dit, il y en a bien d'autres à découvrir ;-)

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  5. je serais aussi passée sans m'arrêter mais ton billet me convainc. Reste à trouver le temps de caser cette lecture...

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    1. C'est l'éternel problème ! Mais celui-ci se case assez facilement : sa pagination est raisonnable et sa lecture aisée et prenante.

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  6. j'ai très envie de le lire! j'ai vu une fois le film et ça m'a suffit... Je n'ai jamais retenté l'expérience!
    j'ai lu plusieurs critiques de ce livre, mais j'attends un peu car la violence et moi...

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    1. Mais le ton du livre n'est pas à la polémique, et il est assez apaisé. Il y a une grande tendresse en fait. Mais beaucoup de lucidité aussi. Il vaut vraiment la peine.

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  7. Bon un autre sur ma liste. Vraiment il va falloir que je modère mes petites balades sur les blogues littéraires!! Trop de tentations!!

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  8. Pendant un quart de seconde je me suis dit que j'arrêterai de te lire. Tentatrice !!
    Il m'interpelle celui-ci, beaucoup même si le fait de le voir partout me freine un peu. Mais je le note précieusement parce qu'après un tel avis je me dis que je peux difficilement passer à côté.

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    1. Oui, ça me fait ça aussi, quand je vois trop un livre... Bon, j'espère que tu le liras quand même celui-là. Je suis sûre qu'il peut t'intéresser !

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