Ariane Bois
Belfond, 2016
A travers une fiction parfaitement maîtrisée, l'auteur évoque le destin des enfants juifs après la Libération.
Le hasard a voulu que je lise à la suite deux romans dont l’action se situe sous la Seconde Guerre mondiale. C’est particulièrement intéressant car, qu’il s’agisse de Laurent Binet dans HHhH ou d’Ariane Bois ici, les deux auteurs se sont de toute évidence longuement et scrupuleusement documentés avant d’écrire. Il en ressort des œuvres extrêmement différentes l’une de l’autre, mais qui apportent toutes les deux un éclairage passionnant sur cette sombre période.
Là où Binet s’interrogeait sur la forme même que pouvait prendre son récit, Ariane Bois s’est lancée dans un roman à la facture classique, dans lequel on entre sans aucune difficulté.
A travers les yeux d’un jeune homme qui a vu mourir toute sa famille, elle aborde un aspect très précis des suites de la déportation : elle revient en effet sur ces enfants juifs qui furent recueillis par des familles qui les gardèrent auprès d’elles pendant parfois plusieurs années afin de leur permettre d’échapper à l’enfer. Si certains furent exploités sans vergogne, d’autres furent reçus comme un membre à part entière de la fratrie qu’ils rejoignaient et purent ainsi avoir la vie sauve.
Mais qu’est-il advenu d’eux après la Libération ? Purent-ils retrouver leur famille ? Furent-ils recueillis dans des orphelinats ? Restèrent-ils chez ceux qui les avaient protégés ? Ariane Bois lève le voile sur ce qui s’est passé après la guerre pour tous ces enfants qui étaient parfois si jeunes lorsqu’ils furent arrachés à leurs parents qu’ils en avaient oublié jusqu’à leurs traits ou au son de leur voix.
Simon, le héros de ce récit, rejoint les rangs d’une association s’étant donné pour objectif de rechercher ces enfants, afin de les ramener dans leur famille et, au-delà, leur permettre de retrouver leurs racines. Car, dans le but de les protéger – mais s’agissait-il seulement de cela ? – ils furent parfois convertis à la religion catholique et baptisés.
Mais Simon veut surtout retrouver son jeune frère Elie, dont la trace s’est perdue à Toulouse, après la mort de sa nourrice…
Chacun des enfants retrouvés par Simon et sa compagne Lena, rescapée du ghetto de Varsovie et qui le seconde dans cette quête, connaît un sort différent, qui illustre la complexité de ce drame : pour certaines personnes, il était en effet évident que cette situation ne serait que temporaire. Mais elle a pourtant duré bien longtemps, et les liens avec la famille d’origine furent parfois rompus, lorsque celle-ci avait fini par être décimée. Dès lors, une relation très forte a pu s’établir avec ces enfants, qui s’étaient attachés aux personnes qui prenaient désormais soin d’eux. Quel était donc leur intérêt : les reconduire vers de lointains parents qui ne les attendaient peut-être pas, ou plus ? Et leur faire vivre à nouveau le traumatisme d’une séparation et d’un déracinement ? Ou bien les laisser oublier définitivement leurs origines et poursuivre leur nouvelle vie ? Sans doute n’existe-t-il pas de réponse unique et collective à ces difficiles questions, et c’est tout le mérite de l’auteur que d’en évoquer tous les aspects.
Il faut dire qu’Ariane Bois s’y est intéressée de très près : si l’on en croit la bibliographie présentée en fin de volume, elle a en effet consacré un mémoire d’études approfondies en histoire à « la résistance juive organisée en France ». Le contexte social et historique de son roman sont donc fidèlement reconstitués, au point que son texte prend parfois les allures d’un véritable document. Cela ne nuit pourtant en rien au déroulement de l’intrigue, dont on suit le développement avec autant d’intérêt que de saisissement.
Un roman tel que je les aime !
Là où Binet s’interrogeait sur la forme même que pouvait prendre son récit, Ariane Bois s’est lancée dans un roman à la facture classique, dans lequel on entre sans aucune difficulté.
Mais Simon veut surtout retrouver son jeune frère Elie, dont la trace s’est perdue à Toulouse, après la mort de sa nourrice…
Comme tu sais, je m'intéresse beaucoup au roman historique et particulièrement à ceux se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais celui-là, je ne le sens pas bien : les petits enfants juifs pendant la guerre, le gentil monsieur qui veut leur faire retrouver leur famille aidé par la pauvre échappée du ghetto, je le sens pas...
RépondreSupprimerLe "gentil monsieur" n'est autre qu'un jeune homme qui a vu disparaître toute sa famille et qui se sert de cette association pour retrouver le seul membre de celle-ci qu'il pense être encore vivant.
SupprimerCe que je trouve intéressant dans ce roman, c'est qu'il traite d'un aspect rarement abordé : la guerre est terminée, mais pour certains, évidemment, les conséquences pèseront sur toute leur vie.
Maintenant, un livre, et en particulier un roman, comme tu le dis, ça se sent... Si tel n'est pas le cas, il ne faut pas se forcer ! Ce ne sont pas les livres qui manquent !
J'ajouterais que c'est un roman que je qualifierais de "grand public" dans le bon sens du terme. Ce n'est pas pour moi péjoratif. Il permet d'aborder un sujet grave à travers une fiction très accessible et très bien menée. Mais peut-être que pour une lectrice telle que toi paraîtrait-il trop léger ? Je ne sais pas. Il n'a pas la même portée, sans doute, que le livre de Marianne Frankel, Rien où poser sa tête, que tu as peut-être lu. Mais c'est un témoignage, c'est très différent. Je pense que ce sont deux lectures complémentaires...
ce thème est très intéressant, c'est rare que la littérature (ou les essais) traite du retour de déportation, et encore moins du destin des enfants cachés pendant la guerre (il me semble quand même que j'avais vu un documentaire sur ce sujet)
RépondreSupprimerCe roman me fait penser à l'histoire des frères Finaly, peut-être que c'est cette affaire qui a inspiré l'auteur?
Effectivement, c'est tout l'intérêt de ce roman, que d'aborder cet aspect méconnu des choses.
SupprimerEn ce qui concerne l'affaire que tu mentionnes, il est fort possible que l'auteur la connaisse. Comme je le dis dans mon billet, elle s'est intéressée de très près à la question.
Je lis très peu de romans français, mais celui-ci, par l'angle sous lequel le sujet est exploré, m'intrigue beaucoup. Je le note. Merci pour la découverte!
RépondreSupprimerOui, j'ai remarqué que tu lisais majoritairement des livres d'outre-Atlantique ! J'espère que celui-ci te plaira !
SupprimerJ'aime bien quand les romans historiques sont réellement documentés, c'est toujours très intéressant.
RépondreSupprimerEh bien, là, ça l'est ;-)
SupprimerLe thème m'intéresse beaucoup ; il me semble que j'ai un roman de l'auteure dans ma PAL,(reçu sans l'avoir demandé) il faudrait que je recherche.
RépondreSupprimerIl paraît que son précédent était un bon livre, en effet. Pour ma part, je ne l'ai pas lu.
SupprimerRien à voir mais cette auteure a écrit un recueil de textes plutôt érotiques (dernières nouvelles du front sexuel), et il est dans ma pal depuis quelques temps déjà.
RépondreSupprimerVoilà qui ne m'étonne pas ;-)
SupprimerJe le note car j'aime bien lire des livres sur cette période et comme tu le dis plus haut, en réponse à un commentaire, en effet, c'est un thème rarement abordé.
RépondreSupprimerMerci pour cette découverte.
Découvrir un aspect des choses que l'on ne connaissait pas, ou auquel on n'avait pas réfléchi, est toujours très intéressant.
SupprimerVoilà qui semble passionnant, il est tellement vrai que les dégâts ne s'arrêtent pas avec la fin des hostilités, je le note :-)
RépondreSupprimerEt non, malheureusement. Et on oublie parfois trop vite les victimes qui continuent de souffrir...
SupprimerOUi l'angle de vue est intéressant, je le note, merci Delphine.
RépondreSupprimer:-)
Supprimermerci de cette discussion passionnante
RépondreSupprimerj'aime raconter des histoires dans l'Histoire et faire découvrir des aspects meconnus .ici le Gardien evoque le travail des scouts qui aprés la guerre menerent une enquete policiere pour retrouver des enfants juifs disparus dans la nature .
C'est aussi une histoire d'amour entre deux etres abimés par la Shoah .
Bonne lecture !
Je vois que tu l'as donc déjà lu... et apprécié !
SupprimerMerci pour ta visite.