Hélène Frappat
Actes Sud, 2023
Trois femmes disparaissent. Pas n’importe lesquelles. Trois générations d’actrices dont le nom brille au firmament du cinéma.
Tippi Hedren, d’abord, l’une des blondes sophistiquées qu’affectionnait Alfred Hitchcok et à laquelle il donna le premier rôle des Oiseaux et de Pas de printemps pour Marnie. Une ascension fulgurante, qui se solda par une éclipse quasi complète. On se souvient de la terreur qui se lisait sur le visage de l’actrice et de ses gestes désespérés pour tenter de se protéger des nuées de volatiles.
Melanie Griffith, ensuite, la fille de Tippi, qui commença à tourner très jeune et dont le corps plus ou moins dénudé ne cessa d’être exhibé dans tous les films où elle tint la vedette.
Dakota Johnson, enfin, la petite-fille, qui incarna aux yeux du monde la célèbre esclave sexuelle de Cinquante nuances de Grey.
Trois femmes, trois trajectoires que la narratrice, endossant un rôle de détective, lie par un système d’échos pour révéler quelque chose de l’ordre d’un destin contre lequel elles tenteraient de s’élever. Mêlant leur vie intime, les personnages qu’elles incarnent et ce qui advient sur les tournages, l’auteure élève ses personnages au rang d’héroïnes de tragédie frappées par une fatalité qui les ramènerait constamment à leur condition de femme exposée au désir et à la domination des hommes, de femme dont le corps porte les marques de cette emprise. A l’origine de ce sort funeste est le regard que posa Hitchcock sur Tippi Hedren et qui pensa pouvoir se l’approprier par le biais d’un contrat exclusif. Un contrat qui n’est pas sans rappeler celui que signe la jeune Anastasia Steele avec Christian Grey.
Trois femmes disparaissent est un texte troublant, en ce sens qu’il ne cherche pas à établir de démonstration, mais procède par associations d’idées et rapprochements de motifs. Il faut accepter de suivre l’auteure qui emprunte des voies parfois surprenantes. La structure du texte elle-même obéit à ce schéma, avec des chapitres brefs et des paragraphes qui le sont plus encore, passant d’un détail à un autre par rapprochement, comme on le ferait dans le cadre d’une psychanalyse. Dès lors, comme dans tout processus de cet ordre, on peut résister ou adhérer. J’avoue pour ma part avoir oscillé entre les deux, ayant sans doute été plus réceptive à certaines analogies qu’à d’autres.
Quoi qu’il en soit, ce texte ne manque pas d’intérêt et se révèle même parfois assez fascinant - voire convaincant. Mais sachez qu’après sa lecture vous ne pourrez plus considérer Hitchcock ni revoir Les oiseaux et l’ensemble de ses films avec le même regard !
Je l'ai vu plusieurs fois dans la presse et je me demandais ce que ça pouvait donner .. Les côtés déplaisants de Hitchcock ne sont plus un scoop, mais entrer dans les détails comme ici ne doit pas être des plus sympathiques. Je ne sais toujours pas si j'ai envie de le lire ..
RépondreSupprimerQuant à moi, j'ignorais totalement. C'est quand même hallucinant ce que les hommes osent ! On a beau savoir, c'est toujours un choc.
SupprimerJ'avoue que je ne suis pas très tentée, ça semble un peu artificiel, de prime abord. Je crois que je serais plutôt rétive à ce texte...
RépondreSupprimerArtificiel, je ne dirais pas ça. Mais c'est sûr que c'est surprenant et parfois déroutant. Mais vraiment intéressant aussi, je trouve.
SupprimerUne lecture qui t'a plu.
RépondreSupprimerJ'aime bien les textes qui sortent de l'ordinaire :-)
SupprimerC'est drôlement original ! J'aime Hitchcock alors ça me tente forcément.
RépondreSupprimerMais oui ! (Cela dit, Hitchcock n'en sort pas grandi, c'est le moins qu'on puisse dire !)
SupprimerMouais, mais je vais pouvoir tenter à la bibli, quand même, ces trois femmes
RépondreSupprimerMais oui, tente donc ;-)
SupprimerJ'ai déjà beaucoup lu et entendu sur Hitchcock et son emprise sur Tippi Hedren dont pas certaine d'apprendre quelque chose. J'imagine que la démarche de l'auteure peut effectivement révéler des coïncidences ou correspondances troublantes entre les destins de ces trois femmes mais j'avoue que le thème ne m'attire pas plus que ça en littérature.
RépondreSupprimerTu sais comment c'est : les thèmes, c'est secondaire. Tout est dans le traitement ;-) Et en tout cas, ce qui m'intéressait ici, c'était l'originalité du texte que je pressentais.
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