Constance Debré
Flammarion, 2023
Il y a quelques années, Constance Debré a fait le choix de l’écriture. Un choix radical et sans concession. Elle n’écrit pas pour faire joli ou pour exprimer des sentiments. Ecrire est chez elle une expérience pleine et entière qui exige un don total de soi et qui l’a amenée à se dépouiller de tout ce qui constituait jusqu’alors sa vie et son identité pour se libérer de toute forme d’entrave. Il s’agissait de se détacher de tout pour tenter d’être pleinement soi. C’est précisément ce cheminement qui constituait le matériau de ses trois premiers livres.
Offenses rompt avec ceux-ci. Constance Debré aborde cette fois les rives de la fiction. Le personnage central de son roman est un jeune garçon d’une cité qui a froidement tué une vieille dame, sa voisine, à coups de couteau. Une enquête de police s’ensuit, puis son procès.
Le roman est bref, très bref. Le style de Constance Debré n’a lui pas changé. Les phrases sont courtes, incisives. L’écrivaine ne ménage toujours pas son lecteur. Les mots ne sont pas là pour jeter un voile pudique sur ce qu’ils relatent, mais pour au contraire mettre la réalité à nu et aller à l’essentiel. Et l’essentiel, pour l’auteure, ce n’est pas d’entrer dans le détail de ce qui s’est passé pour essayer de comprendre ou de trouver une justification à ce geste. L’essentiel c’est de révéler ce qui est sous-jacent à un acte de cette nature.
Constance Debré veut contraindre son lecteur à regarder les choses en face. Elle considère qu’une frontière se dresse entre elle-même et ses lecteurs. Il y a un dessous et un dessus. Les classes dominées et les classes dominantes. Nous, ses lecteurs, appartenons au monde « de droit, de liberté, de progrès et de culture (…) de délicatesse et de bon goût (…) d’intelligence et de livres », celui auquel elle a choisi de tourner le dos. Nous, la classe dominante, avons nous-mêmes défini la ligne de démarcation entre le bien et le mal, puis nous avons défini les critères du droit pour la conforter, en déplaçant précisément la notion de mal de ceux qui l’infligent vers ceux qui le subissent. Et pour péréniser cet ordre des choses, affirme-t-elle, nous avons besoin que des crimes soient commis afin d'en justifier l’existence et le maintien.
L’idée exprimée par Constance Debré n’est pas neuve, et on y adhère ou pas. Avec des réserves ou pas. Chacun aura là-dessus sa propre opinion. Il est en revanche incontestable qu’elle la formule avec une clarté et une force qui sont désormais sa marque. Chacun de ses mots est une gifle infligée au lecteur, qui pourrait ainsi les recevoir comme une offense. Si vous aviez trouvé ses précédents textes violents, celui-ci l’est plus encore, car il prétend dépasser une expérience personnelle pour l’inscrire dans une destinée collective.
Si ce n’est plus son histoire que raconte l’auteure, elle s’inclut néanmoins dans ce monde « du dessous » qu’elle a délibérément choisi de rejoindre. Le « je » est devenu un « nous ».
C'est amusant, je lis ton billet alors que je viens de l'entendre à Totemic. Je ne suis toujours pas prête à la lire, je ne la comprends vraiment pas et je n'adhère pas à ce qu'elle dit la plupart du temps.
RépondreSupprimerIl est évident qu'elle est très clivante, comme on dit. Ce n'est pas le genre qui laisse tiède, et elle ne peut de toute évidence éviter de provoquer des résistances, voire des rejets. Ceci dit, je pense qu'il est intéressant de s'y frotter.
SupprimerUne lecture qui ne me tente pas.
RépondreSupprimerTant pis !
SupprimerJe vois que ta passion ne tiédit pas, c'est beau l'amour ;-)
RépondreSupprimerToujours pas envie pour ma part, depuis l'échec avec son premier.
Je la trouve vraiment intéressante, notamment d'un point de vue littéraire. Pourtant, la première fois que je l'ai lue, je me suis saisie du livre en pensant que je le rejetterais complètement. Mais, contrairement à d'autres, tu as tenté. Je peux comprendre qu'on n'adhère pas.
SupprimerJ.ai lu ses 3 premiers livres, c.est un écrivain. Je vais m’empresser de lire son dernier livre
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