mardi 8 juin 2021

Terra Alta

Javier Cercas
Actes Sud, 2021


Traduit de l’espagnol par Aleksandar Grujicic et Karine Louesdon



Je suis loin d’avoir lu tous les ouvrages de Javier Cercas, mais cela ne m’a pas empêchée de l’admettre d’emblée dans mon cercle personnel des écrivains qui comptent. Entendez ceux pour qui écrire ne consiste pas simplement à raconter une histoire, mais plutôt à interroger le statut même de la littérature, à délivrer une vision du monde et à interroger celui dans lequel ils vivent.


Avec Terra Alta, Javier Cercas semble avoir renoué avec une forme romanesque plus classique que dans ses livres précédents, quittant résolument le terrain de l’autofiction et adoptant un certain nombre de codes propres au roman policier. L’auteur se défend pourtant d’avoir voulu s’inscrire dans un genre, la littérature ne comptant à ses yeux que deux types de livres : les bons et les mauvais - ce que j’aurais assez tendance à partager ! 

Et si meurtre il y a bien, ce n’est pas forcément sur la recherche de l’identité de l’assassin que repose l’essentiel du roman. A vrai dire, même si la résolution de l’enquête tourmente son héros, l’auteur semble quant à lui assez vite s’en désintéresser… et le lecteur avec lui !


Car ce dont Cercas rend compte avec force détails, ce sont les méandres psychologiques et les obsessions de son drôle de fonctionnaire de police - c’est quand même alors qu’il purgeait une peine de prison qu’est née sa vocation, après la lecture des Misérables - dans une Catalogne marquée au fer rouge de la guerre d’Espagne. Cercas dépeint avec une rare acuité le contraste entre une capitale régionale riche, effervescente et brutale, et un arrière-pays rural beaucoup plus pauvre et comme figé dans une forme d’inertie. 


Si l’Espagne contemporaine plonge ses racines dans le drame de la guerre civile, elle est également aux prises avec le terrorisme et les questions d’indépendance régionale. Cercas parvient à articuler tous ces éléments dans un schéma narratif parfaitement cohérent qui finit certes par nous écarter de l’intrigue policière où l’on croyait qu’il voulait nous emmener, pour nous immerger dans la société espagnole et les tensions, voire les antagonismes qui la traversent. Rendant ainsi le roman d’autant plus passionnant. Et donnant diablement envie de lire les deux autres volumes à venir d’une oeuvre conçue comme une trilogie.

Mais je vous rassure, bon prince, l’auteur finit quand même par nous livrer la clé de l’énigme !



 


4 commentaires:

  1. Je trouve aussi que c'est un auteur important, mais comme toi, il faudrait que je continue de lire ses livres précédents ! (bien qu'en amatrice de polars, celui-ci me tente !)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cet homme est d'une intelligence rare, et j'aime autant le lire que l'écouter. Il faudra vraiment que je trouve le temps, plutôt que je prenne le temps, de lire ses livres plus anciens, en effet.
      (Et si celui-ci te tente particulièrement, pourquoi te contrarier ? Les autres t'attendront toujours ;-) )

      Supprimer
  2. Jamais lu mais comme tu connais mon manque d'attrait pour ce coin de la planète, ça ne t'étonnera pas plus que ça ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas très étonnée, en effet... Mais je te ferai remarquer que même moi, j'ai lu et j'apprécie Jonathan Coe ! Chaque pays à ses écrivains à côté desquels ils ne faut pas passer ;-)
      (Et ce, m$me si les deux n'ont absolument rien à voir :-) )

      Supprimer