Eric Vuillard
Actes Sud, 2016
Vuillard signe une très belle ode aux hommes qui firent la Révolution.
Tout a déjà été dit sur cette journée mythique, symbole de l’histoire du peuple français, épicentre du soulèvement qui conduisit au renversement de la monarchie pour faire place à une ère nouvelle. Alors, en voyant ce livre, je me suis demandé ce qu’on pouvait bien écrire de neuf sur le sujet, dans un format aussi bref, qui plus est...
Tout de même, cette date, on la chérit, on a envie d’y voir davantage qu’un symbole figé, qu’un jour chômé, on est curieux de retrouver un peu de la geste de ce peuple qui hurla un jour sa colère et prit son destin en main. Et puis la couverture est tellement belle, avec ce détail du non moins emblématique tableau de Delacroix, La liberté guidant le peuple.
Alors bien sûr, j’ai cédé de bon cœur à la curiosité et je suis entrée dans ce récit... Dès les premières lignes, Vuillard nous plonge dans le Paris pré-révolutionnaire, au tout début de l’année 1789. Il lui suffit de quelques phrases pour en faire surgir l’architecture et l’atmosphère qui régnait alors. Terrible contraste entre des hôtels particuliers à l’outrageante magnificence et des maisons de pisé dépourvues - ou presque - de meubles ; entre une débauche obscène de victuailles pour les uns et le mauvais pain que les autres peinent à se procurer. Et pourtant, malgré la famine qui sévit alors, pour Réveillon, le riche propriétaire de la manufacture royale de papiers peints, les ouvriers gagnent encore trop. Il veut baisser leur tarif journalier. Il n’en fallait pas davantage pour mettre le feu aux poudres.
En quelques lignes, Vuillard évoque les séances de pillage. S’il s’attarde, c’est sur le procès-verbal qui fut dressé après le saccage de la folie Titon où était installée la fameuse manufacture. Il mentionne dix-huit victimes, chacune désignée par un numéro, comme une référence dans un catalogue quelconque. Aussi l’auteur s’attache-t-il à décrire minutieusement les traits, les vêtements, l’allure de ces hommes qui pour être morts n’en furent pas moins des êtres de chair et de sang avant de se fondre dans la masse anonyme de ceux qui firent l’Histoire.
Ce qui intéresse Vuillard, c’est de retrouver et re-nommer ces individus que nous avons amalgamés en une foule héroïque. Il veut retrouver l’homme dans la masse, redonner de l’humanité à ceux qui, devenus anonymes, se sont mués en lettres d’encre : partant des mots froids d’un rapport de police ou d’un livre d’histoire, il veut par ses mots à lui, ses mots de poète, des mots sachant véhiculer l’émotion, l’ardeur et la vie, retrouver les hommes, restituer ce qu’était leur vie. Et nous rappeler ainsi que ce sont des individus comme vous et moi qui écrivent les pages de l’Histoire. Aujourd’hui comme hier.
Je n'avais pas eu l'occasion de lire "Tristesse de la Terre", je vais essayer de ne pas passer à côté de celui-là!
RépondreSupprimerEva, tu n'en feras qu'une bouchée : c'est un tout petit livre - par sa pagination - mais un grand livre par sa qualité ;-)
SupprimerJ'ai noté ce titre, il fait l'objet d'un article intéressant dans Le Matricule des anges... Merci pour ce billet!
RépondreSupprimerM-Laure
Cela ne m'étonne pas de cette excellente revue (que je n'ai pas lue depuis bien (trop) longtemps, d'ailleurs).
SupprimerJe n'ai pas très envie de lire sur la Révolution Française, mais le point de vue adopté m'intéresse. Alors on verra ...
RépondreSupprimerOui, c'est vraiment une approche originale et littéraire. Essaye lorsqu'il arrivera en bibliothèque ;-)
SupprimerJ'ai lu avec grand intérêt un article du Monde où il discute avec l'historienne Arlette Farge, et où ils comparent leur manière de travailler à partir des archives.
RépondreSupprimerTon billet en rajoute dans mon envie de le lire !
C'était quand ? J'ai complètement zappé Le monde des livres de la semaine dernière... Etait-ce dans celui-là ?
SupprimerC'était dans celui du 8 septembre, je crois...
SupprimerJe suis en train de le lire! (en parallèle avec Yaak Montana - en vO donc un poil plus fatigant)
RépondreSupprimerOui, d'autant que la pagination de Yaak Montana est sensiblement plus généreuse que celle de 14 Juillet !
SupprimerUne geste, ou c'est bien ça (ah, j'aurais dû utiliser ce mot dans ma chronique, tiens !). Moi aussi, je suis entrée tout de suite dedans, avec ces sonorités qui nous appellent (folie Titon et Tombe-Issoire). Certains écrivains semblent avoir la capacité de remonter le temps, de se transporter au coeur du passé puis de nous faire partager ce qu'ils y ont vécu...
RépondreSupprimerUne très belle puissance d'évocation, en effet, dont tu rends parfaitement compte dans ta chronique.
SupprimerVais-je enfin avoir l'opportunité de lire Eric Vuillard ? L'occasion est belle (même si j'en ai un peu assez de la Révolution Française...).
RépondreSupprimerOui, mais là, franchement, c'est un traitement à part, un très beau traitement.
SupprimerEn voila un qui m'intéresse beaucoup mais je pense que je vais attendre sa sortie en poche pour me lancer.
RépondreSupprimerSauras-tu tenir jusque-là ? On voit fleurir pas mal d'avis enthousiastes tout d'un coup ;-)
SupprimerTerminé! Pfffou! A lire absolument!
RépondreSupprimer:-)
SupprimerJ'attends ton billet !
Je l'ai acheté car Delphine (Dialogues) m'a fait lire des passages et j'ai craqué. Je crois que j'ai bien fait !
RépondreSupprimerDeux Delphine valent mieux qu'une ;-)
SupprimerTe voilà complètement convaincue !
Deux Delphine valent mieux qu'une ;-)
SupprimerTe voilà complètement convaincue !
J'étais restée sur la faim avec son précédent, alors celui-ci n'est pas dans mes priorités..
RépondreSupprimerCela me semble dommage... mais je comprends parfaitement tes réticences.
SupprimerJ'avais bien aimé tristesse de la terre je vais me laisser tenter aussi par celui ci.
RépondreSupprimerTu fais bien ;-)
SupprimerPas un thème qui m'emballe au départ mais le traitement a l'air intéressant...!
RépondreSupprimerJe viens de voir l'avis enthousiaste de Keisha et le tien ..Je le note
RépondreSupprimerEt il y a celui de Sandrine, aussi ;-)
Supprimer