George Sand
Publié en 1832
Aussi incroyable que cela puisse paraître à mes yeux, je n’avais jamais lu Sand ! Il aura fallu la mini-série récemment diffusée sur France 2 pour me donner l’impulsion qui m’avait jusqu’alors manqué. Ouvrons à ce propos une petite parenthèse : j’en ai avalé les quatre épisodes quasiment d’une traite nonobstant la nette impression d’anachronisme et de révisionnisme que ceux-ci me procuraient. Une impression qui m’a été confirmée avec fracas par la tribune publiée par Les amis de l'auteure à laquelle je vous renvoie et qui dénonçait « une fausse George Sand réinventée et fantasmée ». Cette lecture est éclairante, car je n’imaginais pas - naïve que je reste quand tout nous démontre chaque jour avec plus d’acharnement que la vérité des faits n’a plus la moindre importance - que l’on pouvait à ce point travestir la réalité. Ceci posé - et bien posé, j’insiste -, si l’on dissocie la fiction qui nous est présentée du personnage dont elle prétend relater les jeunes années, on peut sans déplaisir regarder ce divertissement. Je referme la parenthèse.
Puisque Sand est bien une figure exceptionnelle de ce XIXe siècle si féroce à l’égard des femmes, si elle a assumé des choix de vie alors plus qu’audacieux, si elle est peut-être la première romancière à avoir pu vivre de sa plume et si, par son intelligence et son talent, elle a su s’imposer dans un monde exclusivement masculin, alors le meilleur hommage à lui rendre était de la lire. Et pourquoi pas commencer avec le premier roman signé du nom qu’elle s’était choisi ? D’autant qu’on ne s’éloigne pas trop du sujet, puisqu’Indiana relate le parcours d’une femme, mariée au sortir de l’adolescence à un vieux militaire irascible et bientôt séduite par un jeune homme velléitaire et arriviste auquel elle entendra lier son destin.
Un sujet vu et revu, vous direz-vous, que celui d’une femme insatisfaite, prisonnière de la condition imposée à son sexe ? Certes, il faut dire que la matière est hélas inépuisable. Mais ce qui fait toute la différence, c’est que le point de vue est ici celui d’une femme. Et ça change tout - le public de l’époque ne s’y est d’ailleurs pas trompé qui fit immédiatement de ce livre un succès. Car si Sand dépeint la tentative d’une femme de fuir la médiocrité d’une morne existence circonscrite à l’étroitesse de son foyer pour s’offrir à un amour qu’elle croit vif et sincère, l’auteure sait la nature des obstacles tant psychologiques que sociaux qui se dresseront devant elle.
Ainsi le récit est-il émaillé de réflexions sur la condition féminine, mais c’est peut-être surtout l’étude psychologique du personnage masculin, d’une acuité rare et, me semble-t-il alors assez inédite, qui donne sa puissance au roman. Sand révèle parfaitement la dichotomie entre Raymon dont la conduite, y compris dans la sphère affective, est dictée d’une part par l’inconstance de ses désirs et d’autre part par l’ambition, l’orgueil et l’amour-propre, et Indiana mue par ses seules passions intimes auxquelles elle n’hésite pas à sacrifier sa position sociale. C’est bien cette analyse qui permet au lecteur de saisir l’impasse dans laquelle se fourvoie l’héroïne. A certains égards, on songe plus d’une fois aux Liaisons dangereuses en lisant ce texte. Mais nous avons changé de siècle : Raymon n’est qu’un Valmont aux petits pieds et il n’y a plus guère de Merteuil. Le code Napoléon est passé par là, et les femmes n’ont plus le moindre statut hors les liens, noués bien serrés, du mariage.
Si j’ai trouvé quelques longueurs à la première partie du roman, la qualité de la plume et la pertinence de l’auteure ont vaincu ma légère impatience. Et je sors de cette lecture époustouflée par George Sand. L'écrivain et la femme.
Quelque chose me dit que tu vas continuer à lire ses oeuvres.
RépondreSupprimerEn effet, ça se pourrait bien ;-)
SupprimerJ'ai l'intention de le lire depuis longtemps celui-là ! Par ailleurs j'ai adoré la correspondance "Sand-Flaubert". Enfant on ne t'a pas fait lire "la mare au diable" et "la petite Fadette" ? Question de génération peut-être. J'ai eu envie de relire "la mare au diable" adulte et j'ai été étonnée de voir à quel point c'était plus riche que je ne pensais.
RépondreSupprimerEh non, ceux-ci n'ont jamais fait partie des lectures qui m'ont été prescrites. Et je dois dire que ces deux titres ont toujours été parfaitement repoussoirs pour moi ! Et même aujourd'hui - sans doute à tort - ce ne sont certainement pas l'un de ceux que je lirais en priorité. Quant à la lecture de la correspondance Sand-Flaubert, ça doit en effet valoir le détour !
SupprimerUn coup de foudre, quoi ! J'ai déjà lu Sand mais pas ce titre et si j'ai aimé mes lectures, je n'avais pas connu un tel engouement. Allez, titre noté !
RépondreSupprimerUn coup de foudre, je n'irais peut-être pas jusque-là. Mais un intérêt bien réel, ça c'est sûr !
SupprimerJe te rassure, je ne l'ai jamais lue non plus... elle est dans ma liste des lacunes à combler (mais c'est une liste assez longue et qui souffre des tentations incessantes des nouveautés... )
RépondreSupprimerLa mienne aussi, et je me heurte aux mêmes écueils que toi ;-)
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