lundi 31 décembre 2018

Je lis donc je suis 2018


Une nouvelle année vient de s'écouler, une nouvelle année faite de lectures. Quel portrait de moi celles-ci dessinent-elles ?
La réponse rituelle en 16 titres


Décris-toi…

Comment te sens-tu ?

Décris où tu vis actuellement…

Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ? 

Ton moyen de transport préféré ?

Ton/ta meilleur(e) ami(e) est…

Toi et tes amis vous êtes…

Comment est le temps ?

Quel est ton moment préféré de la journée ?

Qu’est la vie pour toi ?

Ta peur ?

Quel est le conseil que tu as à donner ?

La pensée du jour…

Comment aimerais-tu mourir ?

Les conditions actuelles de ton âme ?

Ton rêve ?


Et de votre côté, à quoi avez-vous ressemblé en 2018 ?

mercredi 19 décembre 2018

Magma Tunis & Le sillon


Le sillon

Valérie Manteau

Le Tripode, 2018


Magma Tunis

Aymen Gharbi

Asphalte, 2018




Il faut croire que j’ai ces temps-ci des envies d’ailleurs : je viens de lire coup sur coup deux romans prenant le pouls d’une ville et s’attachant à en dessiner le visage. De Tunis à Istambul, j’ai donc effectué un voyage qui m’a emmenée de l’autre côté des rives de la Méditerranée.

Tunis est pour moi une ville chargée de souvenirs. Flous, lointains, ils ont la saveur particulière de ce qui se rattache à l’enfance et à cette période de la vie faite d’insouciance et pourtant constitutive de ce que nous sommes.
De Tunis, je ne garde réellement que l’image des souks, comme si elle ne se réduisait pour moi qu’à ce vaste marché. La description parfois précise des rues, des commerces, des habitants qu’en fait Aymen Gharbi est donc restée chez moi sans écho. D’autant que la ville a évidemment profondément changé depuis mon dernier séjour, dans les années 1980...
J’ai néanmoins aimé les passages où l’auteur en restitue les couleurs et l’atmosphère avec, m’a-t-il semblé, une certaine pertinence, s’attachant à en faire connaître des quartiers ou des bâtiments précis, comme le fort de l’îlot de Chikli. 
J’ai en revanche été moins convaincue par l’intrigue et par les personnages, auxquels je ne me suis pas vraiment attachée. Mais les romans mettant en scène cette ville sont suffisamment rares pour que le lecteur qui a envie de la découvrir par ce moyen puisse se laisser tenter.

Quant à Istambul, je n’y suis jamais allée. Mais, bien entendu, cette ville mythique par sa situation géographique, son histoire et, d’après ce que j’en sais, sa beauté, en fait un espace littéraire privilégié. Pour autant, je crois que Le sillon m’a offert ma première occasion de faire connaissance avec elle. 
Le lecteur est invité à accompagner la narratrice dans ses déambulations. Venue rejoindre son amant, elle occupe son temps entre cours de yoga, écriture et moments partagés avec des amis. Rien de vraiment consistant, laissant place aux errances mentales, aux questionnements qui la gagnent à mesure que le climat politique s’alourdit entre attentats et procès d’opposants politiques.
Ce récit restitue lui aussi parfaitement l’atmosphère, délétère, que connaît le pays, le poids  d’un régime qui prive de plus en plus ouvertement son peuple de liberté. De ce point de vue, le livre de Valérie Manteau est assez réussi, d’autant qu’elle nous dévoile l’histoire de Hrant Dink, un journaliste ayant oeuvré pour la reconnaissance du génocide arménien qui a payé cet engagement de sa vie et qui est ici tout à fait méconnu.
Mais là encore, je suis hélas restée un peu à distance du texte, peut-être en raison du caractère un peu évanescent de l’héroïne ?

Peut-être aussi ma difficulté à entrer dans ces univers et dans ces lieux tient-elle au fait que mon imaginaire serait plutôt enclin à m’entraîner vers d’autres horizons, davantage du côté de l’Amérique latine ou de l’Inde...
Quoi qu’il en soit, pour qui voudrait s’approcher de ces deux cités, ces livres, encore une fois, ne manquent pas d’intérêt.
Et j’aimerais aussi souligner la qualité de ces ouvrages, auxquels leurs éditeurs, Le Tripode et Asphalte, ont apporté un soin particulier, avec de très belles couvertures, une élégante mise en page et, pour le second, des ajouts iconographiques bienvenus. Et vous le savez aussi bien que moi, l’objet que nous tenons entre nos mains n’est pas pour rien dans le plaisir de la lecture...

samedi 8 décembre 2018

Sélection Noël 2018


Vous n'avez pas encore rempli votre hotte ?
Comme moi, votre cadeau préféré (tant à offrir qu'à recevoir) reste le livre ?
Voici quelques suggestions de romans qui ont fait mon bonheur au cours de ces derniers mois.





Les exilés meurent aussi d'amour Abnousse Shalmani, Grasset
Si vous n'avez pas encore compris en quelle estime je tiens cette talentueuse jeune femme et combien ses livres me semblent lumineux, enthousiasmants et riches, je ne peux plus rien pour vous :-D


Tenir jusqu'à l'aube Carole Fives, L'arbalète Gallimard
Une femme élève seule son petit garçon de 2 ans et se heurte à de contradictoires exigences l'enjoignant à être une professionnelle performante, une mère attentive et une femme accomplie. Ce texte servi par une écriture percutante pose un regard d'une grande acuité sur notre société.

Par les écrans du monde Fanny Taillandier, Le Seuil
Les images, leur pouvoir, ce qu’elles disent, ce qu’on leur fait dire, la manière dont elles nous construisent, individuellement autant que collectivement, l’interprétation qui en est faite, leur interaction avec le réel, dont elles sont bien plus, voire bien autre chose que le reflet... ce roman offre une réflexion passionnante et pertinente sur notre perception du monde et notre rapport à l'information.

Lèvres de pierre Nancy Huston, Actes Sud
En écho à l'histoire intime d'un tyran qui extermina son peuple, Nancy Huston évoque sa propre histoire et la construction de son identité. 
Un livre surprenant, d'une force et d'une maîtrise narrative absolument incroyables, qui n'hésite pas à bousculer son lecteur.

Le discours Fabrice Caro, Sygne Gallimard
Parce que rire un bon coup fait du bien et que c'est très rare en littérature, ce roman est le livre à côté duquel il ne faut pas passer !



... Et si vous voulez offrir un livre à un enfant, je ne saurais trop vous recommander Les contes du Réveil Matin. Ecrit par Michel Bussi, il est illustré par Eric Puybaret. Du premier, je ne connaissais pas la plume que j'ai découverte à cette occasion. Le second, par la poésie et la grâce de ses dessins, a enchanté les moments de lecture partagés quotidiennement avec chacun de mes fils lorsqu'ils étaient petits. Un livre a lire comme un grand ou a partager avec ses parents, comme nous l'avons fait avec mon petit Sombrero...



Et pour d'autres idées, mes précédentes sélections ne connaissent évidemment aucune date de péremption !


Je vous souhaite à tous de très belles fêtes... 
et de bonnes lectures 




jeudi 6 décembre 2018

Le dernier bain


Gwenaële Robert

Robert Laffont, 2018




Eh bien ! Ça ne m’arrive pas souvent, mais je ne sais que penser du livre que je viens de terminer.  Si tout se passe bien, j’y verrai plus clair au terme de ce billet...

A travers le célèbre tableau qu’en a peint David, Gwenaële Robert s’attaque à l’une des figures de la Révolution française, Marat. Comme tout le monde, je sais qu’il était appelé l’Ami du peuple, qu’il réclamait inlassablement des têtes, qu’il était atteint d’une maladie de peau très aiguë et qu’il fut assassiné dans son bain par une certaine Charlotte Corday... Pas grand chose, en somme. La lecture d’un roman ne pouvait que m’aider à mieux connaître ce personnage définitivement associé à la Terreur.

Disons tout d’abord que ce texte est extrêmement bien écrit. Le style est vif, précis, l’auteure restitue avec une très belle force d’évocation le Paris révolutionnaire, quand la défiance le disputait à l’espérance, tandis que la délation régnait en maître.
Quant aux principaux protagonistes, ils sont parfaitement campés. Tant Marat que David, Marie-Antoinette que Charlotte Corday et les personnages fictifs qui les entourent, tous prennent vie avec une incroyable efficacité.

Par ailleurs, l’objet de cette (excellente) collection qu’est «Les passe-murailles» est de nous faire entrer, à travers la fiction, dans une oeuvre littéraire ou picturale, dans l’univers d’un artiste. Or Gwenaële Aubry excelle à mettre en lumière l’intention qui a guidé David rendant un hommage à son ami Marat. Elle démontre parfaitement la nature hagiographique du tableau. Elle en décrypte le moindre détail pour nous permettre d’en comprendre la portée et le sens. Et c’est tout à fait passionnant.

Alors, me direz-vous, d'où vient la frilosité que j'ai manifestée en préambule de cette chronique ?

C’est que, tout au long de ma lecture, j'ai buté sur la façon d'appréhender le sujet. Marat et plus encore la reine y sont vus comme des individus ordinaires. On les prend dans les dernières heures de leur existence, avant qu'ils soient assassiné pour l'un et exécutée pour l'autre. Nous sommes projetés dans ce Paris révolutionnaire et nous sommes pris à témoin de la brutalité, de la sauvagerie qui avait gagné la population. On ne peut qu'être ému du sort réservé au Dauphin séparé de sa mère éplorée. On ne peut qu'être révolté par l'intransigeance de Marat qui envoyait les gens à la guillotine à tour de bras, et ce sur la foi des simples dénonciations qui lui parvenaient sans discontinuer.
Loin de moi l'idée de justifier les excès, les crimes, la barbarie. Mais je crois que l'Histoire - et plus particulièrement la Révolution française, sur laquelle se fondent les valeurs de notre république - ne peut s'appréhender ainsi. On ne peut donner vie à un acteur ou rendre compte d'un moment historique sans les inscrire dans le champ plus large dont ils ressortent pour jouer uniquement sur  le registre de l'émotion.
Alors on me rétorquera qu’il s’agit de fiction. Certes. Mais une fiction qui donne lieu à une lecture particulière des événements.

Bon, finalement - et ça aussi c'est très rare - je ne suis pas beaucoup plus avancée à la fin de ma chronique...
Ce livre reste une illustration de la manière dont l'Histoire peut devenir matière littéraire, ce qui est une question que je trouve passionnante et que posent de nombreux écrivains, de Laurent Binet à Eric Vuillard, en passant par Olivier Guez ou Javier Cercas, et à laquelle ils apportent des réponses extrêmement diverses et riches. De quoi alimenter le débat !
Et vous, qu’en pensez-vous ?