mercredi 22 août 2018

Les exilés meurent aussi d’amour

Abnousse Shalmani

Grasset, 2018




Abnousse Shalmani, c’est une voix singulière et forte, une personnalité entière, viscéralement éprise de liberté, qui n’hésite jamais à dire ce qu’elle pense. C’est surtout une femme écrivain de grand talent.

Dans Khomeiny, Sade et moi, son éblouissant premier livre, elle témoignait de son arrivée en France, à l’âge de huit ans avec ses parents, de la manière dont elle s’était emparée de la langue française, dont elle avait embrassé cette nouvelle culture et, surtout, dont les écrivains, Sade en tête, lui avaient permis de s’affirmer et de se construire. C’était puissant, c’était mordant, c’était l’histoire d’une femme qui était résolument partie à la conquête d’une liberté que les mollahs avaient voulu lui dénier.

Aujourd’hui, c’est sous la forme du roman qu’elle a choisi d’aborder la question de l’exil. Si certains traits de son héroïne sont sans doute empruntés à la petite fille qu'elle a été - elles ont le même âge lorsque leur famille fuit l’Iran après la révolution islamique - le texte appartient à un registre clairement fictionnel. 

A leur arrivée à Paris, Shirin et ses parents retrouvent une partie de la famille maternelle qui s'y est déjà installée. Ils emménagent chez Mitra, sœur aînée de la mère de Shirin, et rejoignent ainsi les rangs d’une communauté de réfugiés, dont certains n’ont pas renoncé à leur activisme politique.  
Abnousse Shalmani dépeint des personnages hauts en couleur, dont chacun est comme la touche d’une composition plus vaste donnant à voir toutes les nuances d’un peuple, de la plus lumineuse à la plus sombre. Fidèle à la personnalité qu’on lui connaît, Abnousse Shalmani ne cède en effet ni à la complaisance, ni à un excès de sentimentalisme pour évoquer cette communauté et restituer la manière dont peut grandir une petite fille entre un environnement familial tourné vers un pays et un passé plus ou moins idéalisés, et un environnement social lui offrant une autre langue et une autre culture.

Mais la fillette ne se pose jamais en victime, et c’est là toute la force de ce texte. Si l’auteure insiste sur la manière dont la personnalité d’un exilé est façonnée par des fragments auquel il essaye de donner une cohérence, elle en fait une richesse plutôt qu’une fragilité. C’est avec désir et appétit que Shirin s’extirpe d’un cercle familial très refermé sur lui-même pour partir à la découverte et à la conquête du monde extérieur, si différent du sien.
Elle ne rompt pourtant jamais avec ses origines et navigue d’un univers à l’autre pour tenter de s’approprier le meilleur de chacun des deux mondes auxquels elle appartient désormais.

Comme dans Khomeiny, Sade et moi, Abnousse Shalmani fait preuve d’une énergie débordante et conserve sa réjouissante liberté de ton. Mais en choisissant de quitter le terrain autobiographique pour investir celui du roman, elle donne à ce dernier un charme particulier. Habitée par deux cultures, elle est parvenue à donner à son récit une forme métissée, synthèse de notre cartésianisme bien français et de la magie des contes orientaux. 



Pour mieux découvrir encore ce livre et son auteure, retrouvez celle-ci dans l'entretien qu'elle m'a accordé






Je vous invite également à venir à sa rencontre
le mercredi 28 novembre à partir de 19 heures
à la librairie Le Divan, où j'aurai le grand plaisir
de présenter son livre.









20 commentaires:

  1. Ah rencontré l'auteur en salon et acquis derechef son premier livre, je l'attendais ce deuxième. Merci pour l'autre billet interview

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  2. Je n'avais pas été tentée, (enfin pas suffisamment ;-) ) par son premier livre, je crois que je passerai directement à celui-ci ! (que tu donnes particulièrement envie de découvrir)

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  3. Oui oui... je sais... je file :-)

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  4. Je note celui-ci en premier, j'aime qu'il ait une forme romancée.

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    1. Deux livres très différents. Mais dans les deux une vraie liberté de ton. J'adore !

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  5. J'ai été lire ton article sur son premier livre... je le veux! Et s'il me plait, nul doute que je reviendrai sur cette nouveauté.

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    1. Ravie de t'avoir donné envie de lire son premier ! C'est vraiment une sacrée personnalité !

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  6. Ohlalala, ça donne tellement envie de le lire !
    Je le note pour ma PAL de la rentrée

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    1. Voilà ! Et la prochaine fois qu'on se voit - ce qui ne devrait guère tarder, les occasions vont pleuvoir en cette rentrée littéraire - on s'en parle :-))

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  7. Merci de m'avoir fait découvrir cette incroyable auteure je partage complètement ton enthousiasme. Chronique à venir...

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    1. Tout le plaisir est pour moi, Joëlle !
      Evidemment, j'irai te lire :-)

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  8. Je préfère les romans aux autobiographies, donc je commencerai plus volontiers par celui-ci quand je découvrirai cette auteure.

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    1. Moi aussi, en général.
      En fait, son livre venait de sortir, il était sur les étals des libraires, et la couv et le titre attiraient tellement le regard et l'attention qu'après avoir parcouru la première page, je l'ai acheté tout de suite, sans connaître l'auteure, sans avoir jamais entendu parler de ce livre. Et je l'ai lu d'une traite.
      Aujourd'hui encore, 4 ans après, je reste marquée par ce texte et par cette personnalité hors du commun.

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  9. J'ai adoré ce roman, je vais essayer de me procurer "Khomeiny, Sade et moi" pour le plaisir de retrouver sa plume

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