Carole Fives
L’arbalète Gallimard, 2018
Qui est la femme qui orne la belle couverture de ce livre et qu’on ne voit que de dos ? Ce pourrait être vous, ce pourrait être moi, ou n’importe laquelle d’entre nous. L’héroïne de ce roman n’a pas de nom. Tout ce que l’on sait, c’est qu’elle vit séparée du père de son enfant âgé de deux ans dont le nom nous demeure également mystérieux.
Le père a quitté le foyer familial. Du jour au lendemain une femme s’est retrouvée seule. Seule pour élever son fils. Seule pour assumer le loyer de son appartement. Seule pour faire face à des employeurs exigeant une disponibilité toujours plus grande en échange d’une rémunération toujours plus réduite. Une situation d’autant plus difficile que chacun la renvoie en permanence à une image culpabilisante de ses rôles de femme et de mère.
Sortir. Voler ne serait-ce qu’une heure de pleine et entière liberté. La femme finit par céder à cet irrépressible besoin. Malgré le risque qu’il peut y avoir à laisser un tout-petit seul dans son sommeil. Consciente surtout de l’opprobre qui serait jeté sur elle si quelqu’un venait à le découvrir.
Une première fois, puis une deuxième, la femme sort. A plusieurs reprises, s’aventurant chaque fois un tout petit peu plus longtemps, un tout petit peu plus loin, la femme s’autorise cette respiration, vitale, qui accroît toujours un peu plus son sentiment de culpabilité...
Par la précision de son écriture, Carole Fives dépeint d’une manière extrêmement juste le carcan, l’isolement et l’enfermement qui étouffent irrémédiablement la jeune femme. Chaque issue qu’elle entrevoit se referme sur elle avec une violence croissante. Comment sortir de ce cercle infernal, ignorer ces injonctions permanentes autant que contradictoires à être une professionnelle efficace et productive en même temps qu’une mère attentive et dévouée, une femme élégante et séduisante mais ne devant surtout pas se soucier de son propre bien-être ?
Par un remarquable travail sur la langue, l’auteure parvient à restituer la manière dont tous les discours traversant la jeune femme - celui de ses employeurs, de son voisinage, des réseaux sociaux, de l’administration, de la presse, de sa famille... - tout ce qu’elle perçoit à titre personnel et tout ce que véhicule son environnement, la façonne, la désarçonne, la bouscule et influe sur ses comportements, la privant peu à peu de son libre arbitre.
La brièveté de ce récit n'a d'égale que sa violence. Un récit implacable dans lequel plus d'une femme, hélas, pourra se reconnaître. Que celle qui n'a jamais eu envie de tout envoyer au diable jette la première pierre à l'auteure.
Trois (quatre) billets ce matin sur ce roman, que je comptais (et compte toujours) lire, mais j'attends la bibli, tranquille
RépondreSupprimertu peux y aller les yeux fermés (ou presque) car il est vraiment très bien !
SupprimerOui, mais les yeux ouverts, c'est quand même mieux :-D
SupprimerCoup de coeur pour moi, et billet à venir....
RépondreSupprimerJe guette, alors... :-)
SupprimerVraiment intrigant, j'attendrai l'arrivée à la bibliothèque, comme Keisha...
RépondreSupprimerNul besoin de se précipiter, sen effet. Le roman ne perdra rien de sa valeur avec le temps.
SupprimerJe l'ai trouvé profond, terriblement juste, super bien construit... Nous sommes entièrement d'accord sur ce livre coup de cœur...
RépondreSupprimerOui, il est extrêmement bien écrit. Avec le recours au style indirect libre, il permet de mêler les discours ambiants avec ce que vit l'héroïne. C'est une vraie réussite.
SupprimerEh bien, une beau tir groupé de billets ce matin, et quasiment que des éloges... De quoi m'inciter à m'y intéresser (j'avoue que le premier roman de l'auteure ne m'avait pas marquée, malgré son thème qui m'interpelait sur le lien frère/soeur et du coup, je n'y suis pas retournée depuis)
RépondreSupprimerMais elle en est, je crois, à son quatrième ou cinquième roman ! Pour ma part, j'ai trouvé une très belle maîtrise de la langue et du propos. Je te le recommande, bien évidemment !
SupprimerChic, encore un coup de cœur ici ! :)
RépondreSupprimer:-))
SupprimerJe ne suis pas très attirée par le thème, mais si je ne doute pas de sa justesse. Pour l'instant, j'ai des tentations plus urgentes ;-)
RépondreSupprimerC'est sûr qu'en cette rentrée il y a de quoi faire !
SupprimerPeut-être aurai-je plus de succès avec mes prochains billets ;-)
J'ai prévu d'écumer les librairies Aixoises et celui-ci en fera partie des achats, c'est une certitude.
RépondreSupprimerSuper, elles sont magnifiques, les librairies aixoises !
SupprimerY acheter un excellent roman est la meilleure des idées !
Celui-là il me le faut ! J'avais déjà craqué pour cette couverture intriguante et la le résumé que tu en fais et l'avis que tu donnes, sont autant d'éléments qui me donnent envie de l'avoir!
RépondreSupprimerLa couverture est extrêmement réussie, c'est vrai. Et le texte est à la hauteur!
SupprimerJe l'ai aussi repéré et ton avis me conforte qu'il faudra que je le lise - un jour...
RépondreSupprimerFortement conseillé ;-)
SupprimerMerci Delphine Olympe !!! Très touchée de votre billet, et par tous les commentaires. La photo de couverture est de la finlandaise Anni Leppala, un lien vers son sublime site ( http://www.annileppala.fi). Bien amicalement, Carole
RépondreSupprimerMerci pour le lien, Carole, et pour ces mots ! C'est toujours une joie de pouvoir dialoguer avec les auteurs. Rdv est pris en septembre au Divan où je viendrai avec grand plaisir vous rencontrer.
Supprimerce n'est pas forcément un sujet vers lequel je me serais tournée spontanément mais les différents avis enthousiastes m'ont convaincue !
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il semble faire l'unanimité. L'écriture est très maîtrisée.
Supprimerencore de quoi me tenter! d'autant que j'avais apprécié le mordant de son roman Une femme au téléphone, dans lequel chacune peut par moments se reconnaître dans ses relations à sa mère. un humour ravageur. Brigitte
RépondreSupprimerIl me reste tous les précédents livres de l'auteure à découvrir ! Merci pour ce conseil :-)
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