Jérôme Chantreau
La Tribu, 2025
Avez-vous déjà entendu parler de cette fameuse affaire ? Peut-être faut-il avoir un intérêt très vif pour le XIXe siècle pour que ce soit le cas. Et encore, je dois bien reconnaître que, pour ma part, si le nom de cette affaire m’était familier, j’en ignorais ou en avais oublié et le fond et les détails…
Retour, donc, en 1834, plus précisément en avril. Nous sommes sous la monarchie de Juillet, Adolphe Thiers, qui s’illustrera plus tard dans la sanglante répression de la Commune, est ministre de l’Intérieur, après que les Trois Glorieuses, les journées des 27 au 29 juillet 1830, ont chassé Charles X du pouvoir pour porter sur le trône Louis-Philippe, désormais roi des Français - et non plus de la France. La bourgeoisie règne en maître (le suffrage censitaire (masculin, faut-il le rappeler), permet d’éloigner les impécunieux), et le peuple des ouvriers est à la peine. Des opposants se font entendre ? Louis-Philippe muselle la presse et limite la liberté d’expression. Les ouvriers ont faim ? Ils élèvent à nouveau des barricades pour exiger un salaire minimum, à Lyon, puis partout en France ? La répression s’abat impitoyablement sur eux, faisant des centaines de victimes.
Pourquoi Jérôme Chantreau s’intéresse-t-il aujourd’hui à cette affaire ? A la lecture de son livre, je m’en suis bien fait une petite idée, mais il faudrait évidemment pouvoir le lui demander. Quoi qu’il en soit, un certain nombre d’éléments qu’il relate ne manquent pas de faire écho à des choses vues ou entendues plus près de nous.
Dans ce roman, au cours duquel il fait un remarquable rappel des faits, l'auteur imagine l’enquête confiée à un inspecteur de la brigade des moeurs. Il appartient alors à ce dernier de créer de toutes pièces les preuves de la culpabilité d’un pauvre hère qui se trouvait là en compagnie de sa maîtresse et fut abattu sans autre forme de procès. Chantreau revient ainsi sur une affaire d’Etat pour révéler la manière dont on tenta de manipuler l’opinion. Le texte, qui semble extrêmement documenté, rentre dans les moindres détails des événements sans toutefois faire l’économie du romanesque. Le récit est mené tambour battant, on suit les destinées des protagonistes avec avidité et l'on se voit projeté dans les méandres d’un Paris préhaussmannien qui n’a pas grand chose à envier à celui des mystères d’un certain Eugène Sue !
Vous l’aurez compris, j’ai pris un immense plaisir à lire ce texte passionnant, servi par un style vif et imagé. Un seul regret : il se dévore bien trop vite !