jeudi 6 septembre 2018

Trancher

Amélie Cordonnier

Flammarion, 2018



Les mots peuvent-ils blesser, violenter, voire entraîner l’anéantissement d’un individu ? Il semble évident que certains d’entre eux foudroient plus sûrement que le ferait un éclair et qu’ils ont, répétés jour après jour, le pouvoir d’entailler l’âme plus profondément que la lame d’un couteau pénétrant dans la chair.
 
Dans son premier roman, Amélie Cordonnier en fait la brillante démonstration en mettant en scène un couple en proie à cette forme insidieuse de violence. Nul hématome ni trace de coups sur le corps de la narratrice. Pourtant, lorsque s'ouvre le roman, elle est à la croisée des chemins. Faut-il partir, fuir un homme, son mari, qui n'en finit pas de lui jeter insultes et remarques dégradantes à la figure ? Ou bien rester et croire encore en l’amour qu'il jure cependant lui porter, espérer, comme il lui en fait la promesse, qu'il saura désormais se tenir, se retenir, et ne plus lui infliger de traitements humiliants ?

Un jour, pourtant, elle avait déjà pris la décision de le quitter. Mais Aurélien était parvenu à la reconquérir et ils avaient renoué les fils d’une vie conjugale ayant les allures du bonheur. Sept ans et un second enfant plus tard, la rechute est brutale. Et d’autant plus douloureuse et que les enfants en sont les spectateurs abasourdis.

 
Amélie Cordonnier nous permet de pénétrer au plus intime de la psychologie de son héroïne et nous révèle tout de ses interrogations et de ses conflits intérieurs. Cet homme qui la fait souffrir l'a en effet séduite, ils ont connu ensemble les émois de la passion, vécu des instants d'une rare intensité... Est-il réellement possible d'en être là ?
Et puis, il y a les enfants. A-t-elle le droit de les contraindre à une vie déchirée, à se voir ballottés tantôt ici et tantôt là ? Elle-même aura-t-elle la force de s'imposer de ne plus les avoir quotidiennement à ses côtés ?
Et, surtout, n'y a-t-il plus aucune raison, vraiment, d'espérer ? De croire que l'amour est là, toujours, et que toutes ces paroles absurdes, injustes et injustifiées dont elle tient l'amère comptabilité dans une appli de son smartphone, vont disparaître pour laisser place, à nouveau, aux mots tendres qui ont déserté le couple ?
 
Au terme du roman, à l'issue de quelques jours de réflexion, la jeune femme devra prendre une décision déterminante.
L'auteure nous aura quant à elle livré la chronique incisive et cruelle d'un couple offrant l'image lisse d'un bonheur et d'une réussite auquel tout le monde - et surtout lui-même - a envie de croire...

10 commentaires:

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    1. Non, pas du tout, en fait. Le sujet est traité de manière très posée, et le personnage féminin est traité sans aucune hystérie. Cela traduit au contraire très bien, je trouve, les tensions internes à un couple qui peut, vu de l'extérieur, sembler extrêmement équilibré et heureux.
      Evidemment ici on est dans une situation extrême, mais les conflits intérieurs et les ravages que peuvent provoquer les paroles acerbes sont assez bien vus, selon moi.

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  2. Est-ce le thème de la violence aurait été choisi pour cette rentrée littéraire ?
    J'ai l'impression de ne voir que ça...même si d'habitude ça ne me dérange pas, là je sature un peu.
    Mais ton billet n'est pas fait pour que je me plaigne! ��
    A voir si je le croise en bibliothèque !

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    1. Ah ? Personnellement, j'avais plutôt remarqué le thème des images, de leur omniprésence et de la place qu'elle prennent dans nos vie, ainsi que celui des femmes, leur corps et le rôle que leur assigne la société...
      Mais sans doute la violence est-elle aussi assez présente. Et pour cause, la littérature est toujours, d'une manière ou d'une autre, le reflet de notre monde...

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  3. Sujet vraiment traité de manière convaincante et pour le coup, pas glauque du tout (ça c'est pour rassurer ceux que le mot violence ferait fuir...). Nos chroniques sont très proches :-)

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    1. Mais ça me fait penser qu'il faut que j'aille te lire, à présent... J'y cours ! :-)

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  4. pas tellement tentée par le thème, je ne le placerais pas dans ma liste prioritaire...

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    1. Je peux comprendre qu'on ne soit attiré par le thème...

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  5. Je suis comme Violette, ce n'est pas du tout un sujet qui m'attire.

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