Jean Hatzfeld
Gallimard, 2018
Elles sont deux. Deux sportives de haut niveau, championnes de saut en hauteur. L’une est kirghize, l’autre américaine et elles se sont affrontées pour accéder à la plus haute marche du podium. C’était à Helsinki en 1982, alors que le monde se divisait encore en deux blocs que tout opposait.
Aujourd’hui, les lignes de fracture géopolitique ne sont plus les mêmes. Sue peut librement se rendre au Kirghizistan, où Tatyana l’a invitée.
Elles se rencontrent pour la seconde fois de leur existence. Plus de rivalité sportive, plus de division idéologique pour les maintenir à l’écart l’une de l’autre. Seulement la sincérité d’un échange entre deux femmes que tout rapproche. Au fil des pages, elles se découvrent, se racontent, confrontent leurs souvenirs, dévoilent ce qu’elles n’avaient jamais révélé à quiconque, créant ainsi les conditions d’une naturelle complicité.
Chacune a connu la notoriété avant d’être oubliée, a été admirée avant d’être réduite à la solitude et à l’isolement, a vécu dans sa chair les conséquences des traitements qui lui étaient administrés pour développer ses performances.
L’une se souvient des séances d’entraînement pratiqué clandestinement, parce que, n’en déplaise aux apparatchiks, la victoire passait par cette nouvelle technique issue de "l’impérialisme américain" qu’un certain Fosbury expérimenta avec succès aux Jeux Olympiques de Mexico en 68. L’autre, qui rêvait d’intégrer une équipe de basket, se remémore la manière dont elle fut orientée vers une discipline qui ne l’attirait guère, mais qui seule, jouissant d’un faible prestige, lui garantissait d’obtenir une bourse d'études pour entrer à l'université, tant elle était boudée des autres étudiants...
Des histoires qui font écho à celles de leurs homologues masculins, champions d’haltérophilie qu’elles croisèrent au cours des championnats auxquels elles participèrent et qui disparurent prématurément de la scène sportive...
A travers le parcours de ses personnages, pour lesquels il éprouve une évidente tendresse, c’est tout l’univers du sport que révèle Jean Hatzfeld, avec ce qu’il charrie de passion, mais aussi d’enjeux dépassant tellement les principaux acteurs des compétitions qu’ils en finissent laminés, sinon complètement broyés.
Mais il restitue surtout avec élégance et sensibilité l’immense beauté du geste sportif, la virtuosité des grands champions, leur désintéressement, parfois, et leur grandeur lorsqu’ils décident de défier un pouvoir au péril de leur vie pour porter des valeurs auxquels ils sont attachés.
Un livre plein d’humanité, qui n’a pas été sans me rappeler, quoique dans un style fort différent, un autre roman que j’avais beaucoup aimé, La Petite communiste qui ne souriait jamais.
J'ai toujours un livre de Jean Hatzfeld que je n'ai pas lu sur mes étagères. Il faudrait peut-être que je n'y mette, avant de découvrir ses nouveautés. Personnellement, j'ai eu du mal à accrocher au style de La petite communiste...
RépondreSupprimerC'est sur le fond qu'il m'y a fait penser, absolument pas sur le style. Mais tous deux évoquent l'utilisation du sport à des fins de propagande et renvoient dos à dos l'est et l'ouest qui sont dans des démarches finalement assez similaires. D'un côté comme de l'autre, les athlètes sont exploités, sans égard pour leur santé ni pour leur équilibre psychologique...
SupprimerTiens, il ne parle plus de l'afrique, mais ça 'a l'air bien intéressant
RépondreSupprimerTrèèèèès :-)
SupprimerTiens... Les livres qui traitent du sport et des sportifs ne sont pas si nombreux pour que cela retienne mon attention. Surtout lorsque cela englobe le volet politique (ce sportif qui appartient à son pays...), comme pour le sublime Courir de Jean Echenoz.
RépondreSupprimerOu l'excellent livre de Lola Lafon que je mentionne à la fin de ma chronique. J'imagine que tu l'avais lu...
SupprimerEn tout cas, il me semble que c'est un sujet - et un traitement - pour la grande amoureuse du tennis que tu es. :-)
le thème (les) m'intéresse et l'enthousiasme de ta critique m'a convaincue! noté donc
RépondreSupprimerEn lisant ton billet, je pensais bien sûr au livre de Lola Lafon que tu évoques. Celui-ci paraît différent, mais tout aussi intéressant.
RépondreSupprimerVoilà, exactement. Tu as retenu l'essentiel :-))
SupprimerJe ne connais pas du tout Jean Hatzfeld mais ce roman a l'air très intéressant, je l'ajoute à ma liste. Comme krol, j'ai eu un peu de mal avec le style de Lola Lafon alors que le sujet était très intéressant.
RépondreSupprimerMais comme à Kroll, je te répondrai que leurs styles sont bien différents l'un de l'autre. C'est vraiment le sujet qui m'y a fait penser. Tu peux donc y aller sans crainte :-)
SupprimerOh merci, alors que j'avais repéré ce titre en juin, j'avais totalement oublié sa sortie. J'adore, j'admire cet auteur.
RépondreSupprimerEt hop ! Une affaire qui roule :-)
SupprimerLe sport est rarement dans mes lectures. Ce n'est pas parce qu'il ne m'intéresse pas mais plutôt que je n'ai jamais vraiment de livre qui me tente et aussi parce que je n'ai jamais vraiment beaucoup cherché. Ce n'est pas forcément le sujet principal dans cette histoire mais ça me dirait bien de le lire.
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SupprimerJe ne cherche pas non plus particulièrement de livres sur ce thème, mais il permet souvent d'aborder des quiestions qui vont bien au-delà, tant en matière politique - le sport étant souvent un enjeu de propagande - qu'en matière psychologique, avec le dépassement de soi qu'il suppose lorsqu'il est pratiqué à haut niveau.
Et de ces points du vue, ce roman est très réussi.