Albert Camus
Gallimard, 1942
Une fois n’est pas coutume, j’ai nettement préféré au livre de Camus l’adaptation cinématographique que vient d’en proposer François Ozon. Plusieurs raisons à cela, dont la première est toute simple : je n’ai pas aimé le livre. Je j’avais lu une première fois adolescente sans en avoir rien retenu, et une seconde fois il y a quelques semaines dans l’espoir de mieux en saisir les enjeux. Objectif qui s’est soldé par un échec, restant toujours aussi hermétique à cette écriture blanche et au détachement du personnage face à tout ce qui le concerne. Bref, je n’ai rien compris et suis restée autant à distance du texte de Camus que Meursault l’était à l’égard des événements de son existence, les mots glissant sur moi sans produire le moindre effet…
Pourquoi alors aller voir le film, me direz-vous ? Eh bien précisément, puisque François Ozon avait été suffisamment touché par cette oeuvre pour s’en emparer, dans l’espoir que sa lecture éclaire la mienne. Mission largement accomplie.
Tout d’abord, le parti pris du noir et blanc et d’une image épurée - on peut même dire esthétisante - m’a semblé de nature à restituer, paradoxalement, la couleur du roman. Je veux dire par là qu’il donne une intensité qui permet de rester pleinement resserré sur les personnages et de maintenir ainsi constamment et exclusivement l’attention du spectateur sur eux.
Benjamin Voisin, à mes yeux l’un des comédiens les plus talentueux du moment, livre quant à lui une interprétation remarquable. En prêtant ses traits à Meursault, il lui donne, oui, une chair qui m’a manquée à la lecture. Par son jeu, il m’a permis de mieux comprendre le cheminement du personnage du détachement vers la colère. D’abord assez mutique, c’est davantage par les expressions de son visage et de son regard qu’il incarne le personnage. Mais, à mesure que le film progresse, ses répliques deviennent plus nourries, et ce sont des phrases entières de Camus que l’on peut reconnaître. Or, comme je le disais plus haut, je n’avais trouvé aucun relief au texte. Mais en entendant ces phrases de la bouche du comédien, celles-ci ont pris de l’épaisseur et j’ai ainsi pu en saisir la mesure et la portée.
Le film est-il une bonne adaptation du roman ? Vous l’aurez compris je ne suis peut-être pas la mieux placée pour en juger. Quoi qu’il en soit, c'est à mes yeux une réussite cinématographique, tant par la beauté des images, la qualité d’interprétation des acteurs (Rebecca Marder est une Marie convaincante, et les personnages secondaires le sont tout autant - formidable Denis Lavant en Salamano). Et je suis au moins convaincue qu’il constitue une très bonne introduction à l’oeuvre pour tous ceux qui, comme moi, seraient passés à côté ou ceux qui ne la connaîtraient pas encore et pourraient ainsi être tentés de la découvrir.






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