mardi 18 mars 2025

Après Dieu

Richard Malka
Stock/Ma nuit au musée, 2025


Disons-le d’emblée, j’éprouve une profonde admiration pour Richard Malka. Pour son courage et sa détermination sans faille à défendre la liberté d’expression et la laïcité, qui sont pour moi des valeurs fondamentales non négociables. Encore cela est-il facile à affirmer lorsqu’on s’en tient à des échanges entre amis ou entre collègues. Lui, il porte haut et fort sa parole, publiquement, il en a fait le combat d’une vie. Ce qu’il paye de sa liberté de mouvement, désormais assujétie à la présence permanente de gardes du corps chargés de le protéger des lourdes menaces pesant sur lui. Et, bien sûr, on le sait, c’est de leur vie que ses amis de Charlie Hebdo ont payé l’exercice d'une parole libre.


Lorsque les Editions Stock lui ont proposé d’écrire un texte pour leur iconique collection Ma nuit au musée, c’est un monument national qu’il a choisi, l’un des hauts lieux de notre République : le Panthéon, où reposent les plus grandes figures de notre histoire. Son idée était de pouvoir dialoguer avec celui qui fut peut-être le premier et de manière certaine le plus acharné des pourfendeurs du fanatisme religieux et le plus ardent défenseur de la libre pensée. C’est en effet vers Voltaire qu’il a voulu se tourner pour tenter de trouver une réponse à la question qui le taraude : une fois que l’on a renversé la religiosité, une fois que l’on a proscrit le sacré, quelle transcendance proposer aux hommes et aux femmes pour leur permettre de s’élever, d’espérer, et empêcher ces fléaux de revenir en force ? Au vu de l’avancée inouïe de l’obscurantisme à laquelle nous assistons aujourd’hui, il est devenu plus qu’urgent d’agir.


Pendant quelques heures, Malka s’adresse donc à Voltaire, évoquant le parcours du philosophe et son histoire personnelle, mettant en miroir le contexte socio-historique des Lumières et le nôtre. Il observe les analogies et mesure surtout les écarts qu’ont produits plus de deux siècles d’Histoire. Aujourd’hui comme hier, il s’agit toutefois de combattre toutes les formes de fanatisme et d’emprise religieuse. Malka pourfend tous les communautarismes, qui réduisent les individus à une seule des diverses composantes de leur identité et conduisent inévitablement à l’intolérance, avec toutes les implications que l’on connaît. C’est pourquoi le religieux doit rester circonscrit à la sphère privée afin de l’empêcher d’investir l’espace public, politique, où il finit toujours par devenir hors de contrôle. Et surtout, il ne faut en aucun cas justifier les diktats religieux sous couvert d’un pseudo respect de l’altérité et de la défense des opprimés. Malka met précisément le doigt sur ce la nature du sophisme qui fausse aujourd'hui le débat : « Comme le christianisme d’hier, l’islam d’aujourd’hui est une religion d’oppression. Le problème, c’est que c’est également la religion des oppressés. » Au nom de la défense des opprimés, il est plus que dangereux de défendre ceux qui entendent imposer leurs règles et justifier ainsi l’injustifiable. Dénoncer un islam qui opprime ne revient aucunement à être islamophobe, comme on voudrait nous le faire croire. C’est pourquoi la défense de la laïcité est cruciale, de même que l’enseignement de la distance critique. Cela seul pourra permettre à chacun de pratiquer le culte de son choix dans le respect de toutes les religions et de toutes les opinions. « La tolérance à l’égard de l’intolérance est une décadence », nous alerte-t-il avec raison.  


La pensée de Richard Malka est d’une fluidité impressionnante, ses mots sont simples, habités par un humanisme qui se traduisent jusque dans le ton de sa voix et le sourire qui illumine son visage lorsqu’il s’exprime. C’est ce qui donne toute sa force à son propos. Avec lui, cherchons à « renouer avec une ambition pour l’humanité, une dialectique offensive de la liberté, une rage de convaincre le monde de la justesse de l’idée laïque ». Telle est la transcendance, héritage des Lumières, qui doit nous guider.


5 commentaires:

  1. Je connais peu cet auteur ; j'ai écouté quelques interviews, j'ai dû le voir à "la grande librairie" et j'aime bien l'écouter. Son livre arrivera certainement à la bibliothèque.

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  2. Une pensée profonde dans ces pages : j'en suis tentée.

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  3. Oui, la fluidité de sa pensée me fascine à chaque fois que je l'écoute, tout comme sa sérénité apparente. J'ai l'impression de voir les rouages de son cerveau en mouvement, dans un mouvement très harmonieux et sans aucun accroc. Je ne sais pas si j'aurai l'occasion de lire ce livre mais je ne doute pas de la profondeur salutaire de son contenu.

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