mercredi 20 août 2025

La peau dure

Vanessa Schneider
Flammarion, 2025


Venue à l’écriture au début des années 2000, la journaliste Vanessa Schneider alterne romans, essais politiques et ouvrages à caractère biographique dans lesquels elle explore l’histoire de différents membres de sa famille. C’est dans cette dernière veine que s’inscrit le récit qu’elle publie en cette rentrée. Elle y fait le portrait de son père, Michel Schneider, psychanalyste, haut fonctionnaire et lui-même écrivain, disparu en 2022. 


En 2018, c’est le destin de sa cousine l’actrice Maria Schneider qu’elle avait retracé. Si ce texte, à la fois tendre et lucide, s’était révélé passionnant, c’est parce qu’au-delà de sa dimension intime il mettait en lumière les ambiguïtés - voire la duplicité - de toute une génération qui s’était imposée au lendemain de 68. C’est ce qui fait une fois encore la force de ce récit.


Avant sa mort qu’il sait imminente, Michel confie à sa fille une boîte pleine de documents personnels que celle-ci s’empresse d’enfouir sous son lit. Lorsqu’elle l’exhume, quelque temps plus tard, elle y trouve des cahiers, des bulletins scolaires, des documents administratifs qui lui permettront de remonter le cours du temps jusqu’aux failles originelles de l’enfance de son père.


Une enquête familiale de plus, me direz-vous ? Oui et non. Vanessa Schneider ne s’attarde pas sur le déroulé des événements qui ont marqué la vie de son père. C’est plutôt la nature de la relation qu’elle a elle-même entretenue avec lui qu’elle interroge. Une relation complexe, où l’amour, immense, le dispute à une incommensurable soif de reconnaissance. C’est à travers ses propres souvenirs personnels que Vanessa Schneider trouve peu à peu les clés d’un comportement empreint de paradoxes qui avait plus d’une fois suscité son incompréhension et sa colère. 


Michel Schneider, né à la fin de la Seconde Guerre mondiale, incarne l’archétype de cette génération d’hommes qui s’engagea dans les rangs de l’extrême-gauche, en l’occurrence maoïste, et qui s’empara ensuite sans états d’âme des postes de pouvoir et d’influence, notamment après l’accession de François Mitterrand à la présidence de la République. Si Michel pouvait s’enorgueillir de ne jamais être allé pantoufler dans le privé, sa fille était bien placée pour percevoir les dissonances qui l’habitaient cependant.


C’est ainsi toute une époque que Vanessa Schneider sonde et ressuscite à travers le portrait sensible mais sans concession de l’homme hors normes qu’était son père. Une approche fine, acérée, qui s’inscrit dans la continuité du travail qu’elle avait entrepris avec l’histoire de sa cousine Maria, qui nous aide à comprendre ce qui se joua dans les années 70 et 80 d’un point de vue sociétal. C’est aussi ce qui nous permet de mieux comprendre notre propre époque, qui en découle, et c'est ce qui rend à mes yeux la lecture de cette auteure si précieuse.




2 commentaires:

  1. A quelque chose près, je suis de la génération de son père, mais pas du tout dans la même sphère sociale. Je suis encore en colère aujourd'hui en voyant que l'on assimile tout le monde à ce microcosme là quand on parle de boomers.

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    1. Alors non, il ne s'agit aucunement de tout mettre et tout le monde sur le même plan ! Vanessa Schneider révèle plutôt les ambiguïtés d'une époque, les effets pervers de ce et de ceux qui se sont crus progressistes, qui se prétendaient porteurs d'une évolution sociétale et qui ont en fait repris à leur compte les mécanismes de domination qu'ils avaient prétendu combattre. Et elle le fait en partant d'une dimension intime, de l'observation de son expérience et de celle de ses proches, ce qui rend ses récits très éloquents et convaincants. C'est en cela qu'ils sont passionnants et à mon sens pertinents.

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