jeudi 23 mai 2024

Notre guerre civile

Judith Perrignon

Coédition Grasset-France Culture, 2023



Louise Michel a donné son nom à des établissements scolaires, des rues et même à une station du métro parisien. Et pourtant… De son vivant, c’est dans les registres de la police que l’on pouvait le lire. Déportée en Nouvelle-Calédonie pour avoir pris une part active à la Commune de Paris, elle ne cessa jamais de faire l’objet d’une surveillance étroite, de son retour en métropole en 1880 à sa mort en 1905. Ce sont les innombrables rapports rédigés aussi bien par des officiers de police que par des indicateurs et conservés par les archives que Judith Perrignon a patiemment compulsés pour restituer à celle que l’on surnommait la Vierge rouge son véritable visage, celui d’une femme habitée par un idéal de justice sociale, infatigable combattante des droits des femmes et des plus démunis.


Mais Judith Perrignon ne prétend pas écrire une biographie - il en existe sans doute déjà. Elle se propose plutôt d’offrir au lecteur un portrait vivant de cette icône révolutionnaire, et elle y parvient très bien. S’appuyant sur nombre de témoignages, elle révèle ainsi la complète abnégation de celle qui cédait constamment le peu qu’elle possédait aux miséreux qui l’entouraient, évoque ses amitiés sincères, ses talents d’écrivaine ou encore l’amour inconditionnel qu’elle vouait à sa mère. C’est d’ailleurs parce que cette dernière avait été arrêtée au cours de la Semaine sanglante que Louise Michel se rendit aux troupes versaillaises, afin de la faire libérer. 


L’auteure insiste également sur le profond attachement qu’elle conçut très tôt pour Victor Hugo, au point d'emprunter son pseudonyme, Enjolras, à l’un des personnages des Misérables. Elle entretint avec lui une correspondance nourrie et durable, et le rencontra à plusieurs reprises. C’est ce qui fit naître la rumeur selon laquelle ils eurent une relation intime. Si cela n’est absolument pas attesté, c’est pourtant ce qui est mentionné avant toute chose sur la courte notice biographique que l’on peut lire dans la station de métro qui porte son nom - provoquant, à juste titre, la colère de l’auteure ! Mais cela prouve surtout combien la figure de Louise Michel, qui connut de son vivant un si vif soutien populaire, reste cantonnée à un rôle de second plan, et atteste du peu de crédit que l’Histoire accorde encore aux femmes…


Cela seul suffirait à justifier l’entreprise de Judith Perrignon. Et si son portrait rend parfaitement justice au combat que mena cette ardente militante, je regrette simplement que la fin du récit fasse la part trop belle aux extraits de dossiers judiciaires. Ceux-ci sont certes de précieux documents historiques, mais j’aurais attendu qu’ils soient davantage transmués par le récit et non livrés comme une matière brute. Comme si l’auteure, complètement captivée par son personnage, avait fini par en oublier son projet littéraire…


8 commentaires:

  1. J'aime bien la plume de Judith Perrignon et on ne parlera jamais assez de Louise Michel. Je vais sûrement le trouver à la bibliothèque.

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    1. Oh oui. C'est d'ailleurs là que je l'ai trouvé aussi ;-)

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  2. J'avoue connaître assez mal Louise Michel. J'ajoute aussi ce livre à ma longue liste de médiathèque !

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    1. Je dirais que c'est une excellente entrée en matière :-)

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  3. Je n'avais pas aimé Là où nous dansions, mais ce dernier roman sur Louise Michel me tente.

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    1. Je n'avais pas adoré non plus Là où nous dansions - contrairement à Victor Hugo vient de mourir, que j'avais trouvé absolument formidable. Il faut croire que cette période historique inspire l'auteure !

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  4. J'aime bien la plume de Judith Perrignon mais son précédent ne m'avait pas enthousiasmée contrairement à Victor Hugo et, bien avant "C'était mon frère" sur Théo et Vincent Van Gogh...

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    1. Tout pareil que toi - en tout cas pour les deux premiers titres que tu cites, n'ayant pas lu "C'était mon frère". Et celui-ci m'a beaucoup intéressée, malgré mon petit bémol.

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