dimanche 15 septembre 2024

Cabane

Abel Quentin
L’Observatoire, 2024


« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » On se souvient tous de cette phrase prononcée en 2002 par Jacques Chirac. Force est de constater qu’en 2024, si nous avons très légèrement bougé la tête, notre regard n’a pas changé de direction. L’alerte ne date pourtant pas d’hier : dès le début des années 1970, un rapport avait ainsi été rédigé par une équipe de chercheurs d’une université américaine qui révélait les impacts de la croissance économique sur les ressources naturelles, en corrélation avec l’évolution démographique, et les conséquences écologiques qui en découlaient. Abel Quentin s’est inspiré de l’histoire des auteurs de ce rapport pour construire son nouveau roman et joindre sa propre voix à celles qui ne cessent de nous mettre en garde avec une urgence accrue. 

 

Ainsi fait-on connaissance dans la première partie du livre avec les jeunes auteurs du « Rapport 21 » : le couple formé par les Américains Mildred et Eugene Dundee, le Français Paul Quérillot et le Norvégien Johannes Gudsonn, chacun d’eux répondant à un archétype. Les premiers sont les idéalistes qui, une fois révélé l’inéluctable effondrement qui menace l’humanité, croyaient que celle-ci allait réagir ; le deuxième incarne le cynique qui se fera débaucher par une multinationale, et le dernier… eh bien je préfère vous laisser le découvrir par vous-même !

 

C’est la trajectoire des Américains et du Français que l’on suit dans la première moitié du roman, tandis que plane l’ombre mystérieuse du Norvégien que ses anciens collègues ont depuis longtemps perdu de vue. Exerce-t-il toujours une activité ? Est-il même encore en vie ? C’est l’intervention d’un jeune journaliste chargé d’écrire un papier sur le fameux brûlot à l’occasion des cinquante ans de sa publication qui permettra d’en savoir plus.

 

Ce récit, qui s’inspire d’événements et de personnages réels – mais qui prend avec eux de nombreuses libertés pour les besoins de la cause romanesque –, ne peut évidemment que susciter l’intérêt des lecteurs. Abel Quentin, qui s’était déjà attaqué à la radicalisation islamiste puis au wokisme, s’y entend comme personne pour proposer des fictions sur les grandes questions sociétales, en appuyant là où ça fait mal. En l’occurrence sur notre aveuglement généralisé, notre refus à modifier radicalement nos modes de vie et les fondements de notre économie – quand il ne s’agit pas tout bonnement de continuer à foncer tête baissée dans le mur avec un cynisme effarant. De ce point de vue, le roman est remarquable.

 

Mais, comme à la lecture du Voyant d’Etampes, je l’ai parfois trouvé un peu bavard, notamment dans sa première partie. Son propos incisif aurait selon moi gagné en efficacité – et en plaisir de lecture – si son rythme avait été plus vif et son style plus mordant. Cela suffirait-il toutefois à réveiller les consciences et à infléchir nos actes ? Rien n’est moins sûr…  

 


10 commentaires:

  1. J'ai adoré Le voyant d'Etampes, lu assez récemment, et je compte bien lire celui-là, j'ai aimé le regard acéré et pourtant nuancé que porte l'auteur sur les thèmes qu'il aborde.

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    1. Il y a toutes les chances pour que ce nouvel opus te plaise. Excellente lecture à toi.

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  2. J'ai beaucoup aimé ce roman et suivre les trajectoires si différentes des membres du groupe. Quel dommage qu'ils aient eu raison il y a 50 ans et que rien n'est été fait.

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    1. On se demande bien ce qu'il faudrait faire pour qu'un véritable virage soit pris...

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  3. Je n'enlèverais rien pour ma part, au contraire, je sais gré à Abel Quentin de soigner la profondeur de champ :-)

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    1. Je sais que tu es une inconditionnelle de la première heure ;-)

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  4. Les avis sont assez contrastés sur ce roman. Je l'attendrai à la bibliothèque, sans urgence.

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  5. Quelle plaie ces excès de bavardage !

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