lundi 12 février 2024

De ruines et de gloire

Akli Tadjer
Les Escales, 2024



Après avoir fait la connaissance d’Adam dans D’amour et de guerre, dans lequel cet Algérien avait été envoyé sur le front pour défendre les couleurs de la France au début de la Seconde Guerre mondiale, nous l’avions retrouvé dans D’audace et de liberté dans le Paris de l’après-guerre où nous l’avions suivi jusqu’aux prémices de ce que l’on nommait alors pudiquement les « événements ». Le troisième volet de cette trilogie algérienne nous invite à présent à effectuer un retour au pays au lendemain de la signature des Accords d’Evian en mars 1962.


Adam y accompagne son fils, qui possède le même prénom que lui, un jeune et brillant avocat qui, écoeuré par la violence de la répression sur les Algériens, est habité par la volonté farouche de défendre les partisans de l’indépendance. Un seul cabinet se montrera disposé à embaucher un collaborateur portant le nom d’El Hachemi Aït Amar. Maître Reverdy est pourtant un homme que l’on pourrait qualifier de vieille France, mais dont le paternalisme ne se teinte ni du mépris ni de la hargne qui habite nombre de ses confrères.


Emilienne Postorino, le premier cas qu’il lui confie dès son arrivée, n’a pourtant rien d’une militante du FLN. C'est au contraire une activiste proche de l’OAS accusée d’avoir tiré sur une foule de manifestants, causant débordements, mouvements de panique et, pour finir, des dizaines de blessés et quelques morts.


Bien entendu, le dilemme est de taille : déroger à ses convictions ou se voir évincé du seul cabinet d’Alger qui a bien voulu l’accueillir. Au terme de quelques heures de réflexion, il annonce son refus à maître Reverdy. Pris d’un malaise, celui-ci lui demande néanmoins de prendre le dossier en charge le temps de son rétablissement, service qu’Adam ne se voit pas lui refuser.


Si le procédé romanesque est un peu cousu de fil blanc, on le pardonne aisément à l’auteur, car c’est bien la confrontation de ces deux personnages que tout oppose qui fait le sel et l’intérêt de ce roman. Comme dans les deux précédents volets de la trilogie, c’est sans aucune rancoeur qu’Akli Tadjer évoque l’histoire des relations entre l’Algérie et la France, y compris dans ce moment crucial et douloureux. C’est au rythme des innombrables attentats et assassinats qu’il déroule son récit, s’attachant à se tenir au plus près des sentiments qui animent ses personnages. Il s’affranchit ainsi de tout manichéisme et met en lumière l’attachement de chacun d’eux à cette terre pour laquelle deux camps se déchirent. 


D’aucuns pourraient reprocher à Akli Tadjer un certain angélisme créé par son goût du romanesque. C’est pourtant celui-ci qui nous emporte dès les premières lignes du roman. C’est ce souffle qui permet au lecteur de se laisser entraîner dans un pays à la fois loin et proche de nous, et à une époque qui appartient désormais à l’Histoire. Ni essai ni ouvrage à visée didactique, le roman dépeint avec coeur et acuité un épisode qui reste à bien des égards sensible. C’est tout le talent d’Akli Tadjer que de l’évoquer ainsi. 



 




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