samedi 19 mai 2018

La vie parfaite



Silvia Avallone

Liana Levi, 2018


Traduit de l'italien par Françoise Brun


Malgré ce qui s'y passe actuellement, l’Italie est un pays que j’aime profondément, aussi me fais-je toujours une joie de lire l’un de ses auteurs. Surtout lorsqu’il - ou elle - a du talent. Et Silvia Avallone n’en manque pas.

Mais avec elle, on est loin d’une Italie idéalisée, de la dolce vita et des villes d’art. Quand une fresque du trecento apparaît, elle subsiste sur le mur d’un bâtiment devenu prison... Ses héros, elle va les chercher au sein d’une population privée de culture autant que d’avenir, nourrie au lait des émissions de variété de la RAI, n’ayant pour tout horizon que celui de travailler à l’usine de la région et pour seul espoir celui de décrocher le gros lot en grattant un billet de loterie...

Lorsqu’on fait la connaissance d’Adele, celle-ci n’a que 17 ans. Elle est sur le point d’accoucher. Seule. Son petit ami est en prison. Et de toute façon, à l’annonce de sa grossesse il avait pris la tangente. Finalement, Adele n’est pas loin de répéter le schéma maternel : peu de temps après la naissance de Jessica, sa sœur cadette, son père avait littéralement disparu de la circulation. Et pour cause : il purge une peine de prison et n’a jamais pris soin de donner de nouvelles…
Les gamines ont poussé dans une cité de la banlieue de Bologne, sous l’œil plus ou moins bienveillant de leur mère, qui s’était pourtant promis d’offrir à ses filles une autre vie que la sienne. Elles feraient des études, iraient au lycée, celui des quartiers privilégiés, loin des piscines municipales désaffectées et des mornes barres d’immeuble, là où les pierres ont une mémoire, où les édifices ont la majestueuse beauté des siècles passés.
Ce lycée, un seul garçon de la cité est parvenu à l’intégrer, s’attirant l’hostilité de ses anciens camarades de classe. Lui aussi a grandi sans père et vit seul avec sa mère, malade. Est-ce parce qu’elle a perçu sa sensibilité littéraire, lui qui met en mots, soir après soir, tout ce qu’il observe de son environnement, posant un regard tendre sur Adele dont il est secrètement amoureux ? Sa professeure de lettres l'a pris sous son aile, le considérant un peu comme le fils qu’elle ne parvient pas à avoir, malgré les multiples FIV, chaque nouvel échec la jetant toujours plus cruellement dans le désespoir.

Dans ce roman se croisent les destins de personnages qui se débattent avec rage pour  tenter de s’arracher à leur condition. Ce pourrait être d’une noirceur absolue, notamment pour les femmes qui, en plus de tous les obstacles qui se dressent contre elles, doivent faire face à un machisme indécent. 
Mais la lumière semble pourtant pouvoir surgir dès lors que les individus acceptent la réalité, non pas pour renoncer à leurs projets, mais pour ne pas s’épuiser en un vain combat et trouver les moyens et les stratégies leur permettant au contraire de les accomplir. Il leur faut pour cela une clairvoyance et une énergie que Silvia Avallone parvient avec grand talent à porter par son écriture.

18 commentaires:

  1. J'ai trouvé l'auteure épatante dans la Grande Librairie, elle m'a donné très envie de lire son roman et tu confirmes.

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    1. Oui, moi aussi. Et comme ma libraire m'en avait parlé juste avant avec beaucoup de conviction, je ne pouvais que craquer. Et je ne le regrette pas !

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  2. J'ai peu d'affinités avec les romans italiens, mais on ne sait jamais... Je sens de l'espoir pour la fin?

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    1. Ah, ne compte pas sur moi pour révéler ici l'issue du roman! :-))
      Disons que l'auteure ne se contente pas de dresser un constat très noir. Elle propose, me semble-t-il, une voie de sortie. Mais il est certain qu'elle n'est pas facile à trouver et qu'elle demande pour ceux qui n'ont rien de se bouger cent fois plus que ceux qui sont bien nés.

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  3. On le voit beaucoup tourner en ce moment, c'est sûrement du à son passage dans La Grande Librairie. Je vais attendre un peu mais je le garde en tête, le thème me plait beaucoup !

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    1. C'est sûr, son passage à LGL joue beaucoup. Mais on avait déjà pas mal parlé d'elle lors de la publication de ses deux précédents romans.

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    2. Je ne connais pas (encore) ses deux précédents ! Je vais me renseigner dessus!

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  4. C'est une auteure que je n'ai encore jamais lu... j'imagine que son tour viendra un jour :-)

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  5. Silvia Avallone m'attire depuis son premier roman mais je n'ai pas encore eu l'occasion de tomber dessus. Je ne doute pas que ce sera le cas un jour.

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  6. j'avais adoré Marina Bellezza! Comme tu donnes envie de me remettre à lire cet auteur! Merci ;)

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    1. Et du coup, moi j'ai envie de faire le trajet inverse et lire ses précédents textes ! Ma libraire m'a notamment parlé d'une sorte de longue nouvelle, Le Lynx, je crois, qui semble tout à fait intéressante.

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  7. J'ai adoré D'acier, aimé Le lynx et Marina Bellezza, je ne suis donc certaine que je lirai celui-ci un jour !

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    1. Sûrement, effectivement. Je n'ai pas possibilité de les comparer, mais celui-ci est excellent.

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  8. Beaucoup aimé D'Acier, le premier livre que je découvrais de cette auteure, et j'ai vraiment envie de lire ses autres ouvrages!

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  9. Je viens de le terminer un billet aujourd hui sur mon blog

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