Myriam Leroy
Don Quichotte, 2018
Je ne m’attarderai pas longtemps sur ce livre qui m’a profondément irritée. A vrai dire, si je ne l’avais pas lu dans le cadre des 68 Premières fois, je n’en aurais même pas parlé. Et si je l’ai lu jusqu’au bout, c’est parce que je me demandais où l’auteure voulait en venir. Et la réponse est hélas : nulle part ! Sauf à considérer son message - il est dommage de mourir à 20 ans, avant d’avoir connu la vie - comme une révélation. Car c’en est une, n’est-ce pas ?
Pour en arriver à cette renversante conclusion, il faut en passer par deux cents pages indigestes relatant la relation exclusive et malsaine qu’entretiennent deux adolescentes. L’une, la narratrice, est issue d’un milieu modeste ; l’autre, Ariane, est la fille adoptive d’un couple à l’aisance financière plus que confortable, habitant une commune huppée de Belgique. Tout sépare ces jeunes filles, qui vont pourtant se rencontrer dans le collège sélect de la région où les parents de la narratrice, avides de respectabilité, ont réussi à inscrire leur fille.
Je vous épargnerai l’accumulation de poncifs et la permanente démesure de ce récit pour m’arrêter simplement sur les deux aspects de ce roman qui m’ont le plus heurtée.
Tout d’abord, si j’attends de la littérature un minimum de subtilité, je dirais que j’en attends peut-être davantage encore lorsqu’on traite de l’adolescence, ce moment si particulier de la vie où la construction de soi appelle bien souvent les paradoxes, l’excès, la provocation. Or, si l’écriture cultive et accentue ces traits, on tombe vite dans la caricature et l’obscénité, écueil que n’évite pas l’auteure tant elle se complait dans l’outrance.
Enfin, et ce ne sera pas le moindre de ses défauts à mes yeux - particulièrement aujourd’hui où l’on parle tant du corps des femmes et du regard que les hommes posent sur lui, quand ce n’est pas autre chose - évoquer la découverte de ce regard par une toute jeune fille dans les termes qu’emploie Myriam Leroy me paraît non seulement sonner complètement faux, mais également navrant et révoltant. Pour une fois, je vais me contenter de citer, vous jugerez par vous-même. La scène se situe dans un parc aquatique :
Pour la première fois de ma vie, je me fis draguer (enfin, il m’arriva quelque chose que j’identifiai comme tel). Des plus vieux me coincèrent dans le Rapido, à l’endroit où le virage de la rivière formait une épingle à cheveux, et essayèrent de me toucher les seins. L’un d’eux me lança que j’étais «bonne». Je rentrai chez moi ivre de bonheur. J’existais enfin.
Et, deux pages plus loin, ce passage à l’âge adulte dûment ratifié :
Les camionneurs klaxonnaient sur mon passage. Les ouvriers me sifflaient depuis leur chantier. Ma présence au monde était validée.
Chères amies lectrices, si l’une de vous se reconnaît dans ce tableau, qu’elle me le dise ! Mais pour ma part, ce genre de comportement ne m'a jamais fait hurler de joie...
Heureusement, ce livre se lit aussi vite qu’il sera oublié, et je vais m'empresser de passer à autre chose.
Apprendre à lire, Sébastien Ministru, Grasset
Ariane, Myriam Leroy, Don Quichotte
Celui qui disait non, Adeline Baldacchino, Fayard
Eparse, Lisa Balavoine, Jean-Claude Lattès
Fugitive parce que reine, Violaine Huisman, Gallimard
L'attrape-souci, Catherine Faye, Mazarine
L'homme de Grand Soleil, Jacques Gaubil, Paul & Mike
La nuit introuvable, Gabrielle Tuloup, Philippe Rey
Les déraisons, Odile Doultremont, Editions de L'Observatoire
Les rêveurs, Isabelle Carré, Gallimard
Pays provisoire, Fanny Tonnelier, Alma
Seuls les enfants savent aimer, Cali, Cherche-Midi
Aïe... En fait parmi les chroniques des 68 on a les 2 extrêmes. On adhère, ou pas du tout.
RépondreSupprimerJ'avoue que là, ça me surprend particulièrement qu'il y ait des avis parfois très positifs sachant que les 68 sont constituées en très grande majoritédes femmes. Je suis très surprise que l'aspect des choses que je souligne n'ait pas suscité davantage de réactions, tant pour ma part j'en ai été choquée.
SupprimerOuch les extraits ne donnent pas envie... Ce n'est pas une ironie cinglante ? Parce que sinon je ne comprends pas.
RépondreSupprimerHélas, non. C'est ce que j'ai cru au début. Mais l'auteure s'enlise irrémédiablement au fil des pages.
SupprimerEffectivement les extraits sont complètement dissuasifs. Tu as du mérite d'être allée au bout.
RépondreSupprimerC'est bien parce que ce n'était pas long et franchement pas compliqué à lire.
SupprimerHeu... Les extraits m'ont fait écarquiller les yeux!
RépondreSupprimerOui, ça pique, hein ?
SupprimerMyriam Leroy est une chroniqueuse radio que j'adore écouter. Elle a un franc-parler assez cash et n'hésite pas à lancer des phrases qui pourraient choquer. Je crois que je m'en tiendrai à ses participations radiophoniques plutôt que de me jeter sur son roman.
RépondreSupprimerLa provoc' il m'arrive de beaucoup l'apprécier, mais ce n'est pas facile à manier.
SupprimerEt c'est une chose de tenir une chronique radiophonique, c'en est une autre d'écrire un roman. Il faut croire qu'elle n'a pas su prendre le virage...
Un vrai coup de griffes (justifié en plus), j'adore !
RépondreSupprimerje ne connais pas mais je comprends ton énervement, c'est rageant, les lectures "inutiles"!
RépondreSupprimerInutile, encore, on se dit qu'on a perdu son temps, mais ça s'arrête là... Dans le cas présent, ce que j'ai lu m'a vraiment mise en colère, pour toutes les raisons que j'ai exprimées.
SupprimerJe l’ai lu parce que j´apprecie Myriam Leroy en tant que journaliste, mais comme toi j’ai été choquée par l’obscénité de ses propos. Les phrases que tu cites m´ont également interpellé. Le personnage d’Ariane paraît forcé, pas naturel, et la fin aurait pu être bien plus approfondie. Ce qui m’a vraiment rebutée ce sont les dialogues vulgaires entre les deux héroïnes. Ce roman a été sélectionné pour le GOncourt du premier roman ( sans gagner, ouf) et je ne suis pas sûre que ça aurait été le cas si le nom de l’auteur avait été tout à fait inconnu ... à oublier vite !
RépondreSupprimerPour ma part, je ne connaissais pas l'auteure, mais je découvre donc une personnalité qui semble avoir son franc-parler. C'est d'ailleurs plutôt pour moi une qualité, mais il me semble que l'écriture demande un peu de nuance et de finesse. Ou alors beaucoup de talent !
SupprimerAïe aïe aïe !
RépondreSupprimerJe suis vraiment surprise d'avoir lu de si belles critiques maintenant que je découvre ton avis et ces extraits (je te rassure, tu n'es pas folle, ça ne me fait pas hurler de joie non plus!). Personnellement, j'écoute rarement la radio mais je sais de fait que beaucoup de gens l'apprécient pour ses chroniques. Comme quoi, ne s'improvise pas écrivain qui veut ;-)
A voir si j'en entamerai la lecture ou pas...
Il semblerait préférable qu'elle s'en tienne à ses chroniques. Elle a visiblement un ton personnel qui fonctionne parfaitement bien en radio.
SupprimerMalheureusement je ne suis pas étonnée car c'est l'image qu'elle renvoie en tant que journaliste radio ici. je ne l'apprécie pas pour ça, elle semble prétentieuse aussi. Bref, depuis qu'il circule, ce roman ne me dit rien! et dire qu'il faisait partie du carré final du Goncourt du premier roman!!!
RépondreSupprimerOui, j'avoue que j'en suis tombée de ma chaise ! Heureusement, c'est un auteur talentueux qui l'a reçu, Mahir Guven pour Grand frère. Celui-ci vaut la lecture, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire ici ;-)
SupprimerEn effet, je ne me suis jamais sentie exister grâce aux coups de klaxon des camionneurs :-) J'ai eu l'occasion de voir Myriam Leroy interviewer Virginie Despentes et j'ai été assez déçue par sa façon de gérer le débat, donc je n'été déjà pas tentée par son livre... Tu as fini de me convaincre qu'il n'était pas pour moi !
RépondreSupprimerD'après ce que je découvre ici au travers des commentaires, elle a une façon très personnelle d'aborder les choses. Le genre de personnalité avec lequel ça passe ou ça casse.
SupprimerHé bien, voilà qui ne me donne pas envie ! Déjà quand tu parles d'outrance et de démesure, ce qui en général me déplaît, ensuite au vu des extraits...
RépondreSupprimerAh là, c'est sûr qu'on est servi :-(
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