dimanche 29 avril 2018

Quand les écrivains deviennent personnages de romans...

Une récente lecture m’a replongée dans mes années estudiantines. Une époque qui m’apparaît bien lointaine. Peut-être parce que la vie universitaire m'a offert un confortable cocon qui ne m'avait guère préparée à la vie en entreprise. Mais plus sûrement aussi parce que cette vie appartenait à un autre siècle... et pas forcément à celui auquel vous pensez. Car dans les années 1990, moi, je vivais au XIXe siècle ! Eh oui, j’étais constamment plongée dans le monde de Zola, Balzac, Flaubert, Maupassant ou, bien sûr, Vallès, et j'avais quasiment élu domicile au musée d’Orsay, où j'avais d’ailleurs effectué un stage.
Aujourd’hui, je ne lis plus guère de classiques, mais quand des contemporains font des auteurs qui ont enchanté mes plus jeunes années les héros de leurs propres romans, je ne résiste pas au plaisir de passer ainsi quelques heures, à nouveau, en leur compagnie.

Cela m’a donné l’occasion de lire des textes savoureux et parfois vraiment magnifiques. Pensant qu’il pouvait y avoir d’autres amateurs, j’ai eu envie de vous proposer cet hommage, cette petite sélection toute subjective qui n’a rien d’exhaustif et qui réunit des romans pour lesquels j’ai une affection toute particulière...




A tout seigneur, tout honneur, commençons donc par Dumas, qui m’a ouvert les portes de ce merveilleux siècle littéraire.



Comment ne pas se délecter de la lecture de ce charmant petit roman mettant en scène de nos jours une jeune femme qui, à la suite d'une violente agression, est secourue par le héros de son enfance, l’aîné des mousquetaires, Athos. 
Véritable déclaration d’amour à l’auteur des Trois mousquetaires, ce Roman ivre, pétillant et plein de malice, rend un hommage appuyé à Dumas, mais aussi à d’autres grandes figures littéraires de ce siècle, et plus généralement à la littérature.


Le roman ivre, Isabelle Stibbe, Robert Laffont, 2018





Ah ! Flaubert ! La bête noire de générations et de générations de lycéens qui n’ont pas eu la chance d’avoir comme moi en classe de première un professeur de français qui sache transmettre sa passion pour cet écrivain et révéler toute la richesse et la finesse de ses romans.



A n’en pas douter, Catherine Vigourt, qui enseigne elle-même le français, sait trouver des mots différents, loin de tout académisme, pour évoquer cette grande figure. Dans son réjouissant roman, elle va jusqu’à le réincarner de nos jours en un auteur de bestsellers scandinave ! 
Mais Flaubert reste Flaubert, et le regard qu’il porte sur le monde n’a rien perdu de son acuité... 



Le retour de Gustav Flötberg, Catherine Vigourt, Gallimard, 2018





Eugène Sue, un des rares auteurs de cette époque que je n’ai pas lu et que je connais donc très mal... 


Une lacune que s’est chargé de combler Paul Vacca - et avec quel brio !
Dans son roman, il mêle avec une incroyable virtuosité les éléments de biographie de l’écrivain avec l’histoire et les personnages de son œuvre majeure, Les mystères de Paris, pour retracer le cheminement qui l’a conduit à l’écriture et l’engagement politique qui en a résulté. C’est parfaitement mené et ça se lit avec le plaisir et l’avidité qu’eurent en d’autres temps les lecteurs des feuilletons du grand Eugène ! 

Au jour le jour, Paul Vacca, Belfond, 2017





Quant à Balzac, on ne peut pas dire que j'aie tout de suite sympathisé avec lui. Mais une fois entrée dans son univers, je n’eus plus du tout envie de le quitter (même si, au regard de l’ampleur de son œuvre, je n’en ai lu qu’une petite partie...)


Le roman de Bertrand Leclair ne met pas en scène l’écrivain, mais c’est un roman à la saveur unique, qui m’a procuré une sensation inédite et jubilatoire. Bertrand Leclair s’est en effet livré à l’écriture d’un remake. C’est-à-dire qu’il a transposé le personnage de Pons à notre époque, écrivant un récit à la manière de Balzac dans un monde dont nous possédons tous les codes et toutes les références. 
Amateurs de littérature du XIXe siècle, je vous invite vivement à faire cette expérience : lire un roman exactement comme si vous étiez un lecteur contemporain de Balzac. Vraiment étonnant !

Le bonhomme Pons, Bertrand Leclair, Belfond, 2014





Victor Hugo, évidemment. Il se taille ici la part du lion - et je ne dis pas seulement ça parce qu’Hugo Boris en a fait un fauve - avec deux ouvrages absolument remarquables.







Hugo est l’une des trois figures que Boris a choisi d’évoquer dans ce triptyque, les deux autres étant Danton et Churchill. Ces portraits, réellement saisissants, ont la finesse, la fulgurance et la puissance d’évocation de croquis tracés à la mine d’un simple crayon. Absolument splendides !

Trois grands fauves, Hugo Boris, Belfond, 2013 (Pocket, 2015)






Dans ce texte lui aussi remarquablement écrit, Judith Perrignon s’intéresse à la postérité d’Hugo et rend hommage à la figure du Poète et à l’aura considérable que celle-ci put naguère avoir. Elle dit, surtout, combien les mots d’un écrivain peuvent nous être précieux. Quelle que soit l’époque.

Victor Hugo vient de mourir, Judith Perrignon, L’iconoclaste 2015 (Pocket, 2017)





Naturellement, j’ai gardé le meilleur pour la fin ! S’il est un écrivain qui me touche et que j’ai le sentiment de connaître intimement pour avoir tout lu (voire relu) de lui - romans, articles de presse, théâtre (oui, il a écrit une pièce) et même correspondance -, c’est bien Jules Vallès.



S’il n’est évidemment pas le seul héros du roman que Michèle Audin a consacré à la Commune de Paris, Comme une rivière bleue, son titre est un hommage rendu à l’auteur, auquel l’image relative à la révolution qui passe est empruntée. Vallès y apparaît parmi les Parisiens qui, 72 jours durant, tentèrent de jeter les bases d’un monde nouveau, plus juste et plus égalitaire. Dans ce très beau roman qui fait la part belle à tous les anonymes qui prirent part à l’événement, Michèle Audin restitue l’espoir et l’atmosphère qui régnaient alors, avant qu’un bain de sang ne vienne réduire les protagonistes au silence et à l’oubli. 
Je ne peux que vous encourager à le lire.

Comme une rivière bleue, Michèle Audin, L’arbalète Gallimard, 2017




Et si vous avez à votre tour de belles suggestions à me faire, n’hésitez pas. (Surtout si vous connaissez un bon roman mettant en scène celui qui est pour moi ici le grand absent: Zola!)



27 commentaires:

  1. J'adore ton billet ! (Et j'aime beaucoup quand des auteurs deviennent des personnages de roman. Les mises en abyme me passionnent depuis mes études de lettres ...)

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  2. Je n'ai lu que Trois grands fauves, mais tes autres suggestions m'intéressent aussi !
    je n'ai par contre pas d'autre titre à proposer... à moins que tu ne cherches à changer de siècle ou de pays...

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    1. Tant qu'il s'agit de bons livres, tu le sais, je suis ouverte à toutes les suggestions ;-)

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    2. Je pensais à Hiver de Christopher Nicholson sur Thomas Hardy, ou encore Karen et moi de Nathalie Skowronek Sur Karen Blixen...

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    3. Effectivement, là ce sont des territoires qui me sont totalement étrangers ! Merci pour ces recommandations, Kathel.

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  3. Ton Bonhomme Pons m'intrigue !
    Que lire de Vallès en premier ?

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    1. Si tu n'as pas lu sa trilogie (L'Enfant, Le Bachelier, L'Insurgé) autant commencer par là. Elle se lit de préférence dans l'ordre, puisque c'est inspiré de sa propre histoire et qu'il y a une évolution chronologique.
      Après, j'adore ses articles de journaux. Mais peu d'entre eux ont été publiés sous forme de recueils, et ceux-ci sont soit épuisés, soit disponibles dans une édition onéreuse (puisqu'il s'agit de la Pléiade - où il ne s'agit que d'une sélection d'articles). Mais si tu as l'occasion, peut-être, d'emprunter ces volumes en bibliothèque, ça vaut vraiment la peine. Ceux des années 1860 ont une tonalité plus sociale et sociologique, ceux des années 1870 sont évidemment plus politiques, la Commune étant passée par là.
      Ce qui est intéressant avec Vallès, c'est la manière dont ces deux écritures - journalistique et littéraire - se mêlent : des passages de ses articles se retrouvent dans L'insurgé et ses articles, d'une écriture très travaillée, apportent aussi une réflexion sur le travail en profondeur qu'exercent la langue, la littérature et plus généralement l'art dans la société.
      Bon, mais je m'arrête là parce que sinon on va y passer la nuit :-))
      (Ceci dit, on pourra en parler de vive voix. Je te réponds bientôt pour une date :-)

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  4. Article très intéressant (un peu moins pour la LAL), je n'ai pas d'autres idées sur le sujet, tu as bien fait le tour

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    1. Merci ! Ça fait toujours plaisir de faire grandir la LAL des copines :-))

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  5. C'est une très bonne idée que tu as eu là ! Je partage 2 lectures avec toi, Judith Perignon et Paul Vacca et tu me rappelle que Le retour de Gaston Flötberg devrait rejoindre ma PAL d'été :-)
    Tu devrais créer une liste thématique sur Babelio... J'en ai créé une qui s'intitule "Le peintre, ce héros" pour recenser les romans bâtis autour d'un peintre célèbre et la communauté m'a ainsi soufflé de nouvelles idées...

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    1. Mais oui, tiens, pourquoi pas ! Ceci dit, des idées, j'en ai quelques autres... ;-) C'est un exercice vraiment très sympa à faire, je ne vais pas m'arrêter en si bon chemin. Même si cette thématique-là, évidemment, a pour moi une résonance toute particulière...
      Et je vais aller voir ta liste. Je t'avoue que ce thème me trotte aussi dans la tête, tu t'en doutes :-)

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    2. @ Nicole : Je ne sais pas si Kathel connaît ta liste mais à l'occasion de mon billet sur "Vie de David Hockney", elle m'a dit être fana des romans sur les peintres. Vous devriez avoir des choses à vous dire toutes les 2 !!!!

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    3. @AutistReading Je viens de voir qu'elle a trouvé ma liste sur Babelio :-) La discussion est ouverte et la liste est faite pour être complétée.

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  6. Excellente idée de billet! J'aime bien ça, quand les auteurs deviennent personnages.

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    1. Et là, il y a de très très belles réussites ! J'espère que tu trouveras l'occasion de lire quelques-uns de ces titres :-)

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  7. De tous ceux-là, je n'ai lu que le Perrignon (que j'ai beaucoup aimé) et le Boris traîne toujours dans ma PAL. Ce que tu en dis me donne envie de ne plus le laisser moisir trop longtemps ;-)

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  8. Très belle idée que ce billet !
    J’ai beaucoup aimé le Judith Perrignon sur Hugo.

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    1. Laisse-toi tenter, Virginie, il n'y a que du bon dans cette sélection :-))

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  9. Je n'aime pas trop les fictions autour des auteurs célèbres, mais si c'est bien fait pourquoi pas. J'avais déjà noté plusieurs titres dans ta liste.

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    1. Mais là, ce ne sont pas simplement et même parfois pas vraiment des fictions autour des écrivains en question. Ce sont des variations, et ils sont très différents les uns des autres. Ils ont tous leur singularité et ce sont vraiment des livres d'écrivain, pas des bio romancées.
      En tout cas, je les ai tous adorés ! :-)

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  10. Merci pour ce billet très intéressant :) !

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    1. Mais de rien, j'ai eu vraiment plaisir à le faire :-))

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  11. Je me retrouve beaucoup dans ton évocation de ta vie estudiantine, même si j'étais sur Grenoble et non à Paris. Je vais noter tous tes titres, j'en ai déjà certains : "Trois grands fauves" et "Victor Hugo vient de mourir". Tu me donnes aussi envie de lire Vallès! Merci pour cette chronique !!

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    1. Merci pour tes mots qui me touchent d'autant plus que nous partageons le même amour pour la littérature française du XIXe siècle ! Ces titres ne devraient pas manquer, comme moi, de te séduire. En tout cas, je serai ravie d'avoir ton avis sur eux !
      Et particulièrement heureuse à l'idée que tu lises Vallès ! :-))

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