mercredi 23 novembre 2022

Le royaume désuni

Jonathan Coe
Gallimard, 2022

Traduit de l’anglais par Marguerite Capelle



Ah, les Anglais ! Rien ne nous réjouit tant que de les taquiner ! Mais ils nous le rendent bien, et c’est de bonne guerre ! Leur monarchie, leur goût immodéré pour le thé (et les friandises au chocolat !), leur flegme imperturbable… nous ne manquons pas une occasion de souligner leur singularité. Mais lorsque c’est un Anglais lui-même qui s’en charge, c’est encore plus délectable. De là le succès de Jonathan Coe en France ? Peut-être bien. Mais l’écrivain sait surtout mieux que quiconque allier humour et sensibilité pour restituer à travers une savoureuse galerie de personnages l’esprit d’une époque et le tempérament d’un peuple. 

 

Après nous avoir jadis dépeint l’Angleterre des années Thatcher, puis Blair, avec Bienvenue au Club et Le cercle fermé, ou la fracture du Brexit avec Le coeur de l’Angleterre, Coe embrasse aujourd’hui une période plus vaste. Son nouveau roman couvre en effet plusieurs décennies, de l’après-guerre à nos jours. Il est scandé par sept moments clés, au cours desquels les Anglais ont pu se fédérer, éprouver et manifester avec ferveur leur sentiment d’appartenance à une nation commune.

 

Ainsi, après avoir fait la connaissance de Mary et Geoffrey au soir de la victoire du 8 mai 1945, nous entrons dans la famille qu’ils ont fondée et parcourons tour à tour le couronnement d’Elizabeth II en 1953, la finale de la Coupe du monde jouée contre l’Allemagne de l’Ouest en 1966, l’investiture du prince de Galles en 1969, le mariage de Charles et Diana en 1981, les funérailles de cette dernière en 1997 et enfin le 75e anniversaire du jour de la Victoire célébré en plein confinement. 

 

Tout l’intérêt du roman - et là réside l’art de Jonathan Coe -, est de nous faire vivre ces événements de l’intérieur, à travers les yeux des différents membres d’une famille qui en ont chacun une perception différente en fonction de leur âge, de leur histoire et de leur sensibilité propres. Nous assistons à leurs discussions, à leurs rituels et aux différents événements qui rythment leur vie, et nous découvrons la manière dont le contexte politique et social vient modeler leurs relations et influer sur le cours de leur histoire.

 

Coe n’épargne rien ni personne. Le portrait qu’il fait de Boris Johnson est jubilatoire, et les joutes des parlementaires européens s’écharpant sur l’étiquetage du chocolat sont désopilantes – du moins le seraient-elles si elles n’étaient le reflet d’une consternante réalité… Mais vous ne trouverez nulle trace d’aigreur ni de férocité sous la plume de cet écrivain. Son texte est bourré de scènes tantôt cocasses tantôt émouvantes. Et si l’ironie est tapie au creux de ses phrases, elle se double toujours d’une désarmante tendresse.


Avec ce roman, c'est un peu de l'Angleterre éternelle que nous offre Jonathan Coe. Et si tout va désormais très vite, si depuis sa pourtant très récente publication her majesty the Queen n'est plus et que deux premiers ministres se sont déjà succédé au 10 Downing Street, on aime à penser que certaines choses restent immuables et que l'esprit british perdure.



Et comme Nicole était aussi impatiente que moi de retrouver Coe, cela nous a donné l'occasion d'une nouvelle lecture commune. Sa chronique est à retrouver ici.



 




 



12 commentaires:

  1. Un auteur que je lis systématiquement!!!!!

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    1. Comment pourrait-il en être autrement ? Quand on commence, on ne peut plus s'arrêter !

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  2. C'est drôle, j'ai déjà lu un livre intitulé "Royaume désuni", écrit par un Britannique bien sûr, James Lovegrove...

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  3. Pas encore lu cet auteur mais j'en ai de plus en plus envie. J'en ai un dans ma PAL, je ne sais plus où, il va falloir que je parte en exploration.

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    1. J’oscille entre la stupéfaction et la jalousie : il y a des lecteurs qui n’ont pas encore découvert Jonathan Coe ! :-)) La chance que tu as d’avoir tous ces titres qui t’attendent ! Mais je te mets en garde, Coe est totalement addictif...

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  4. Complètement en phase mais est-ce bien étonnant ? Je ne pense pas que Jonathan Coe soit à même de nous opposer (mais je ne parierais pas, cela peut s'avérer dangereux ;-) )

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    1. Avec notre cher Jonathan, je crois que rien ne peut nous arriver :-D

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  5. J'aime beaucoup le regard que porte l'auteur sur son pays.

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  6. J'adore cet auteur ! Merci pour ce billet évidemment tentateur.

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