samedi 6 février 2021

Tout peut s'oublier

Olivier Adam
Flammarion, 2021



Si l’on cherchait à reconnaître un roman comme on peut le faire d’un vin, à l’aveugle, il suffirait de quelques pages pour identifier un cru d’Olivier Adam : des phrases courtes, sans fioritures ni faux-semblants, l’ancrage dans un quotidien ordinaire, un personnage principal désabusé, le ressac de la mer sur une plage bretonne, un Paris boboisé et, à l’occasion, une tentative d’évasion du côté du Japon… Certains se délectent de ce nectar quand d’autres n’y voient qu’un amer breuvage impropre à étancher leur soif de littérature. Personnellement, je me range du côté des premiers, et je me préparais donc à me délecter de ce nouvel opus de l’auteur…


Cette fois, le principal protagoniste, que l’on situe assez aisément dans la quarantaine, se prénomme Nathan. Il vient d’être quitté par sa femme Jun, une Japonaise qu’il avait rencontrée à Kyoto après un premier échec amoureux. Une blessure narcissique certes douloureuse, mais dont il aurait pu se remettre si Jun n’avait décidé de tout plaquer du jour au lendemain pour rentrer au Japon… en emmenant avec elle leur fils de cinq ans, sans même l’en avertir.


Olivier Adam a divisé son roman en plusieurs grands chapitres dont les premiers nous ramènent dans le passé afin de nous présenter les différentes étapes de la vie affective de son héros pour mieux nous plonger au coeur de la crise qu’il traverse. En arrière-fond de ces émois apparaissent les délicates relations diplomatiques qu’entretiennent la France et le Japon, dont les cultures respectives sont si différentes, et qui vont là aussi apporter un éclairage sur les événements.


Si j’ai trouvé la deuxième partie de l’ouvrage plutôt convaincante, avec un rythme soutenu et une véritable efficacité narrative, je dois bien admettre avoir éprouvé une certaine lassitude à la lecture de la première. Une fois n’est pas coutume, si je m’en tenais à elle, je pourrais - très ponctuellement - me rallier à ceux que les personnages et le ton d’Olivier Adam irritent. Comme une impression de déjà-lu, l’humour corrosif de l’auteur en moins. Or, c’est bien cette autodérision et cette distance qui font pour moi le sel des textes d’Adam. 


Il aura donc fallu passer une longue mise en place avant de parvenir au coeur de l’intrigue : les tentatives de Nathan pour reprendre contact avec son ex, et surtout retrouver son fils. Or les législations française et japonaise étant profondément antagonistes, ses droits de père ne sont pas reconnus, et sa seule présence sur le sol japonais est perçue comme une atteinte à la personne de son ex-femme.

C’est avec un certain effroi que j’ai lu ces pages. La tension narrative prend soudainement corps, et la mise en lumière du cadre législatif et du système judiciaire japonais à travers les déboires que connaît le héros ne manquent pas d’intérêt. Le rythme s’accélère, l’auteur renonce à la terrifiante inertie de Nathan et l’on finit enfin par éprouver pour ce dernier compassion et empathie. 


Vous l’aurez compris, l’attaque de ce nouveau roman m’aura empêchée d’en apprécier pleinement la saveur, même si les notes finales m’ont réservé une bonne surprise. Pas de quoi, toutefois, bouder le prochain millésime de l’auteur. Il en est des bons romanciers comme des grands vins : certaines années sont meilleures que d’autres.





9 commentaires:

  1. Comme je ne suis pas du tout fan d'Olivier Adam, je passe ..

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  2. J'ai beaucoup aimé Olivier Adam, puis je me suis lassée de ses personnages redondants et dépressifs... J'avais lu beaucoup de bien de ce dernier roman, alors je pense que j'essaierai de l'emprunter à la bibliothèque.

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    1. Effectivement, j'ai lu plutôt de bons retours... ce qui me surprend un peu parce que j'ai vraiment l'impression qu'il est dans la surenchère de ce qu'on lui reproche généralement, sans que l'humour vienne apporter un contrepoint.

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  3. Réponses
    1. Oui, bah c'est sûr que c'est pas sur ce coup-là que j'allais te convaincre :-D

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  4. Moi non plus je ne suis pas fan, je ne vais donc pas insister, mais j'admire ton attachement à cet auteur !

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  5. J'ai beaucoup aimé "Je vais bien ne t'en fais pas". J'ai eu le même ressenti que ce que vous écrivez sur "Les lisières". Merci de cet avis.

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