Didier Castino
Les Avrils, 2025
Edouard va sortir de prison. Ou il en est sorti. Lorsqu’on est incarcéré, le temps n’est plus de même nature, et passé, présent et futur tendent à s’abolir. Mais une chose lui semblait claire : à quarante ans, c’était la cinquième fois qu’il s’apprêtait à passer la porte d’un établissement pénitentiaire pour recouvrer la liberté, et cette fois il se promettait que ce serait la dernière. Il voulait désormais être présent pour son fils qu’il n’avait pas vu grandir et mettre un terme au sentiment de honte qu’il avait fait naître chez son père.
A travers la voix d’Hervé, narrateur protéiforme et récurrent de l’oeuvre de Castino qui prend ici les traits d’un écrivain ayant animé un atelier littéraire pour des détenus, Edouard dit son histoire, l’univers carcéral, le rejet de la voie morne qu’on lui destinait et son attraction pour le milieu du banditisme. Il dit le choix d’une vie faite d’adrénaline, quitte à devoir en payer le prix, la jouissance de flamber, les règles - explicites ou pas - de la vie en prison, la camaraderie, le bruit, les relations qui s’établissent avec les surveillants, la manière dont les liens évoluent avec les différents membres de la famille…
En livrant les réflexions et les perceptions d’Edouard, l’auteur entre au plus intime d’un homme ordinaire ayant emprunté un chemin qui ne l’est pas. Une fois encore, en s’intéressant à une destinée hors cadres, Didier Castino fait preuve d’une profonde empathie avec son personnage pour en explorer la complexité. Sa prose est riche, précise, et nous offre un portrait à la fois fraternel et sans concessions.
Si j’apprécie depuis ses débuts l’humanité et la lucidité avec lesquelles l’écrivain traite ses sujets, je dois toutefois admettre que j’ai eu un peu de mal à entrer dans ce roman. Est-ce parce que son héros appartient à un univers qui m’est très étranger ? Mais le boxeur Gratien de son précédent texte l’était déjà. Je dirais que cela tient peut-être au caractère plus circonscrit à un destin individuel reléguant la dimension sociale, voire socio-historique, à un arrière-plan plus flou. Elle n’est pourtant pas absente, mais peut-être appartenait-il plus qu’à l’accoutumée au lecteur d’inscrire cette histoire dans une perspective plus large ? Je vous laisse en juger si vous lisez ce roman.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire