jeudi 20 octobre 2022

Rééducation nationale

Patrice Jean
Rue Fromentin, 2022



J’étais plongée dans V13 quand je suis tombée par l’entremise d’Internet sur un article de Marianne faisant l’apologie de ce roman de Patrice Jean. Besoin de prendre une bouffée d’air, de sourire un peu… j’ai opté pour un joyeux intermède en m’offrant ce court récit. Le titre, la couverture et la quatrième fleuraient bon la satire. Ecrit par un enseignant, celle-ci s’appuyait à n’en pas douter sur un vécu qui ne manquerait pas de donner de la consistance au propos…


Las, quelle ne fut pas ma déception ! Le démarrage n’était pourtant pas déplaisant, quoique sans grande surprise. L’auteur brocarde en effet les nouveaux critères de recrutement qui permettent désormais d’entrer dans la grande famille de l'Education nationale sans passer l’épreuve du Capes. 

"Ecoute, Nono, tu as le profil idéal pour l’enseignement ! Tu aimes parler et donner des conseils. T’aimes bien les enfants et, en plus, t’as lu plus de livres à toi tout seul que nous tous réunis !" 

Et notre ingénu de se gargariser des nouvelles approches pédagogiques empreintes d’une novlangue qui serait tout à fait risible si elle n’était aussi pernicieuse…


Mais tout se corse quand, quelque temps après la rentrée, une question agite la salle des profs avant de les conduire à une véritable guerre fratricide. Le sujet de la discorde ? Une statuette khmère - jadis offerte par Malraux lui-même au lycée qui porte son nom - qui pourrait être vendue pour permettre d’acquérir ordinateurs et matériel destinés à développer "un atelier pédagogique et citoyen consacré aux luttes contre toutes les discriminations : sociales, sexistes, racistes et numériques. ». 


Et nous voici plongés dans la sempiternelle querelle des anciens (défense des oeuvres classiques et d’une posture professorale descendante) et des modernes (tournés vers les productions contemporaines et populaires, et prônant un partage des connaissances entre le sachant et les apprenants), les premiers se refusant à se séparer d'un tel témoignage du génie humain, les seconds privilégiant à n'importe quel prix la mise en place de nouvelles méthodes pédagogiques. Aucun manichéisme dans tout ça ! Je vous épargne les controverses sur la vision du monde selon Booba ou la désarmante sottise candeur du héros frétillant à l’idée de parler transversalité des savoirs ou savoir-être de l’apprenant, mais baillant à la lecture de Bossuet comme de Balzac : tout est à l’avenant.


Vous l’aurez compris, on est plus ici du côté de l’artillerie lourde que de celui du fleuret moucheté, et c’est bien dommage car le sujet méritait assurément un peu de subtilité. Mais cessons là tout bavardage : j’ai un livre à finir !

9 commentaires:

  1. Dommage en effet, il y a pourtant de quoi bien faire avec l'Education nationale :-)

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  2. C'est sûr que la subtilité n'est pas toujours au RV, mais je me suis bien amusée. D'autres romans d e l'auteur sont bien intéressants.

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    1. Alors qu'en ce qui me concerne j'ai lu la fin très vite car il commençait à m'ennuyer ferme, tant il s'enlise dans une histoire abracadabrante. S'il n'avait eu le bon goût d'être bref, je ne l'aurais sans doute pas terminé...

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  3. Je ne pense pas que ça me plairait. En plus si ce n'est pas parfaitement réussi, c'est un genre qui rate complètement sa cible.

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  4. "un article dans Marianne"... je me serais méfiée, déjà ;-)

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    1. Pfff, c'est exactement la réflexion que je me suis faite en rédigeant mon billet :-D

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