Caroline Laurent
Les Escales, 2022
Si Caroline Laurent, jeune éditrice, est entrée en littérature, c’est peut-être parce qu’elle y a été conviée par l’une de ses auteures : en travaillant ensemble, une relation de confiance et d’amitié s’était nouée entre deux femmes que près de cinquante ans séparaient. La nature fortement autobiographique de l’ouvrage avait sans doute contribué à installer entre elles une intimité qui les a rapprochées. Aussi, lorsque Evelyne Pisier a succombé à la maladie, Caroline a tenu la promesse qu’elle lui avait faite d’en poursuivre l’écriture pour le mener jusqu’à la publication. Sans doute Caroline aurait-elle tôt ou tard traversé le miroir, mais l’histoire s’est écrite ainsi, et forte de cette expérience, elle a pu se lancer dans le roman qu’elle portait en elle, réinvestissant ses propres origines et sa propre histoire : deuxième roman, deuxième succès, la jeune femme s’imposait définitivement sur la scène littéraire.
Un an plus tard, la fille d’Evelyne Pisier, Camille Kouchner, publie La Familia grande, avec le retentissement que l’on sait. Pour Caroline, c’est une déflagration. Aurait-elle pu, dû, déceler quelque chose ? Que faire de l’affection qu’Evelyne, et surtout son mari Olivier Duhamel lui témoignaient ? Cette relation de confiance n’était-elle qu’un leurre ? Comme si ces troublantes interrogations ne suffisaient pas, les journalistes font assaut de son téléphone, dans l’espoir de recueillir des révélations.
Si c’est ce que vous espérez découvrir ici, passez votre chemin : ce nouveau livre ne vous en offrira aucune. Il n’est ni un témoignage sur l’affaire ni un règlement de comptes. Ce livre est celui d’une renaissance à l’écriture. Le chagrin et l’abîme ont imposé le silence. Celle-là même qui avait ouvert la porte de la littérature, Evelyne, est aussi celle qui la refermait : comment écrire si tout est faux, si l’espace ouvert par la littérature est celui de la trahison et des faux-semblants ?
Ce nouveau récit est celui d'une reconstruction. Il explore les chemins de l’écriture, l'engagement plein et entier que celle-ci exige. Il interroge la place qu'y tient le corps, dont le rôle se révèle sous la plume de Caroline Laurent tout à fait déterminant. Il évoque le compagnonnage, essentiel, des auteurs - et ici plus particulièrement des auteures - lus, qui nourrissent, habitent celui ou celle qui prend à son tour la plume.
C'est surtout un texte d'une émouvante sincérité que j'ai lu pour ma part d'une traite, au bord parfois de l'asphyxie, happée par ces phrases à la recherche fiévreuse du souffle vital.
Sujet délicat et inflammable ! je n'ose imaginer le gouffre qui s'est ouvert sous ses pieds à la lecture de "la familia grande".
RépondreSupprimerEnorme, en effet. C'est précisément ce gouffre que sonde le livre.
SupprimerJ'aurais dû parier que tu commencerais avec celui-là ;-) Je l'ai lu mais je ne sais pas encore ce que j'écrirai dessus... c'est un texte riche.
RépondreSupprimerC'est vrai que c'est le premier livre de la rentrée que j'ai lu, et il me tardait d'en parler. Après, c'est aussi une question de calendrier : mes autres lectures sortent plutôt la semaine prochaine ;-)
SupprimerJe partage tout de ton avis, la même asphyxie, le même happement. Dans un registre totalement différent, ce récit démontre une fois encore le talent de Caroline.
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