mardi 19 avril 2022

Porca miseria

Tonino Benacquista
Gallimard, 2022



Tonino Benacquista est un conteur hors pair. Il semble ne jamais avoir imposé de limite à son imagination débridée et c’est sans doute cela qui charme tant ses lecteurs. S’il n’hésite pas à quitter les rives du réalisme, c’est pour mieux explorer toutes les facettes de ses personnages, toujours attachants, sur lesquels il pose un regard tendre et empreint d’humour. 

On s’attendrait à ce qu’un tel écrivain ait été bercé dès sa plus tendre enfance par des lectures envoûtantes qui lui auraient donné ce goût de l’évasion par le récit. Quelle surprise d’apprendre qu’il n’en est rien et que l’accès à la littérature a été un long cheminement semé d’embûches… Ah oui ! Car il faut que je vous dise, ce nouveau livre est bien différent du reste de son oeuvre : Benacquista a choisi cette fois de s’ancrer résolument dans la réalité, dans SA réalité, puisqu’il relate rien moins que ses origines, son enfance dans une banlieue parisienne, brossant le portrait des différents membres de sa famille. Ce faisant, il évoque son rapport à « l’italianité » et interroge son sentiment d’appartenance à la nation française.


Tonino est le petit dernier de sa fratrie, le seul à être né en France. Si son prénom et son nom le renvoient immanquablement aux yeux de tous au pays qu’ont quitté ses parents, lui n’éprouve nul sentiment d’attachement à son égard. Au contraire, lorsque la famille retourne au pays pour les vacances, lui s’y sent seul et comme étranger. Ce n’est pas son histoire. Et s’il choisit l’option italien au lycée, c’est uniquement dans l’espoir de grappiller quelques points au bac.

Pour autant il s’interroge : lorsque le président s’adresse aux Français, fait-il partie du lot ? Ainsi tente-t-il de « faire un tri, illusoire, entre « italianité » innée et francité acquise » dans l’un des nombreux chapitres qui constituent ce texte. 


Benacquista en effet ne cherche aucunement à s’ériger en exemple d’une intégration réussie ni à faire un quelconque plaidoyer. Il égrène les souvenirs comme autant de saynètes qui finissent par composer une image cohérente, donnant chair au petit garçon puis au jeune adulte qu’il a été. Fidèle à lui-même, il reste formidablement doux et humain dans chacun des mots qu’il choisit.

Il nous raconte son parcours d’écrivain, nous révèle comment sont nés certains de ses romans et ne peut s’empêcher - on ne se refait pas ! - d’imaginer quelles autres histoires auraient pu vivre les Benacquista…


Ce livre ne manquera pas de toucher les inconditionnels de l’écrivain. Mais il saura sans doute rallier aussi des lecteurs plus occasionnels, sensibles à la sincérité de l’auteur et au regard personnel qu’il porte sur l'une des questions qui agitent notre société.




       


8 commentaires:

  1. Je n'ai pas encore lu cet auteur et commencer par celui-ci pourrait être intéressant. Après tout, c'est le terreau de ses romans.

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    1. Mais oui, ce peut être une bonne porte d'entrée, en effet !

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  2. J'aime bien l'idée que l'imagination intervient aussi dans l'histoire familiale... et j'aime bien cet auteur, en plus.

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  3. Un auteur que je n'ai pas lu depuis longtemps, alors pourquoi pas.

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    1. Un livre très différent de ce qu'il a l'habitude d'écrire, mais où on le retrouve complètement (et pas seulement parce qu'il s'agit d'un récit autobiographique).

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  4. j'ai tellement adoré cet auteur à une époque et ces deux dernières parutions m'ont déçue mais ce roman devrait me réconcilier avec lui ! J'ai hâte !

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    1. Ecoute, si ça peut te convaincre, j'avais également été déçue par Toutes les histoires d'amour (...), alors que je suis une grande fan de l'auteur. Et celui-ci, je l'ai beaucoup aimé. On y retrouve son esprit, son regard tendre et non dénué d'humour. Bref, c'est un plaisir !

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