mardi 20 octobre 2020

Le grand vertige

Pierre Ducrozet
Actes Sud, 2020


Compte tenu de son sujet, ce roman ne manquait pas de m’intriguer ; d’autant que le traitement semblait assez original - et que la couverture me séduisait beaucoup. Les commentaires de quelques blogueuses amies avaient achevé de piquer ma curiosité, et je l’avais donc inscrit parmi les quelques livres de la rentrée à ne pas manquer. 


De quoi s’agit-il donc ? Entre incendies dantesques, violentes tempêtes, fonte alarmante des glaces et apparition d’épidémies en tout genre, les dirigeants de notre planète semblent avoir enfin pris la mesure du danger guettant l’humanité. Ils s’entendent donc pour mettre en place une commission internationale chargée de trouver des solutions permettant d’inverser la tendance du réchauffement climatique. Grande figure de la cause écologiste depuis plusieurs décennies, Adam Thobias est nommé à sa tête. Grâce au budget alloué, celui-ci constitue une équipe d’explorateurs chargés de se rendre en divers points du monde pour observer et comprendre les phénomènes naturels et en tirer des propositions concrètes. Mais, au sein de ce réseau appelé Télémaque, il commandite également des missions plus secrètes. Certains sont ainsi chargés de se rendre sur des zones d’extraction et d’acheminement du pétrole, des zones plutôt sensibles… 


Si la confortable rétribution qui leur est proposée est un argument de poids, chacun a sa propre quête et ses propres motivations pour accepter le voyage. On suit donc le périple de quelques-uns de ces aventuriers, et l’on passe allègrement de la jungle birmane aux terres arides des Emirats et de l’Amazonie aux bars branchés de Bangkok. 


Mais le monde étant ce qu’il est, les divers lobbies, les puissances financières et l’attrait du pouvoir reprennent vite le dessus, reléguant la commission à un rôle tout à fait subalterne. Est-ce cela qui pousse Thobias à orienter le réseau Télémaque vers une forme d’activisme ? Ou bien en avait-il d’emblée le projet ? De nombreuses questions voient le jour, tandis qu’il disparaît brusquement du devant de la scène… Quoi qu’il en soit, sauver notre monde de la folie humaine ne semblerait pouvoir passer par des politiques institutionnelles, toujours battues en brèche. Les seules voies seraient-elle alors l’action violente ou le repli dans des ashrams 2.0 dédiés à l’étude des conditions d’une vie économe des ressources naturelles ?


Le roman de Ducrozet ne répond pas vraiment à ces questions - mais le pourrait-il ? Si j’ai lu son roman avec un intérêt certain, j’ai toutefois été déconcertée par l’issue qu’il donnait à son récit tourbillonnant qui ne débouche finalement sur rien, ou presque. En outre, tandis que le récit semblait soudain prendre de vagues accents d’espionnage, certains éléments m’ont semblé singulièrement manquer de crédibilité (personnellement, je me retrouverais larguée en pleine jungle birmane au coeur d’une attaque menée par des militaires déterminés à ne pas laisser âme qui vive, je ne suis pas sûre que je m’en tirerais !). Dommage. 

Cependant, si l’objectif de l’auteur était de nous signifier que nous sommes tous pris par nos propres contradictions, que cette fuite en avant ne peut connaître d’autre fin que la nôtre, que nous ne sommes rien d’autre que des souris tournant à plein régime dans une roue qui ne s’arrêtera que lorsque nous serons morts d’épuisement, le message est parfaitement clair. Pas franchement optimiste, mais parfaitement clair. Et hélas, je ne suis pas sûre qu’on puisse lui donner tort…



Pour compléter cette lecture, vous pouvez aller voir aussi du côté de Nicole et de Papillon (dont la lecture est très proche de la mienne)

17 commentaires:

  1. Je n'ai encore rien lu de cet auteur, ce n'est pas prioritaire au vu de ton billet et celui de Papillon... Peut-être par curiosité en bibliothèque ?

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    1. Papillon et moi-même avons fait exactement la même lecture. Ce roman reste néanmoins interessant, mais c'est vrai que j'en attendais plus. Peut-être trop.

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  2. Arf mi figue mi raisin donc. Pour ma part, j'ai été conquise (comme avec son précédent d'ailleurs). Je pense que le but de l'auteur n'était pas d'apporter des réponses ou de déboucher sur quelque chose de particulier mais plutôt d'ouvrir davantage sur des questionnements, une réflexion globale, une matière à... : est-ce que ça peut fonctionner ?

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    1. Peut-être suis-je un peu limitée, mais je ne trouve pas qu'il explore tant que cela de possibilités : entre le retrait et l'activisme, il n'y a pas vraiment d'autres voies, si ? Et, dans le fond, ce qui me gêne peut-être le plus, c'est qu'on ne sait pas, dans le champ du roman et de l'intrigue, si l'une ou l'autre peut marcher. Voilà, c'est ça, il ne va pas vraiment au bout de ces propositions. J'aurais aimé savoir jusqu'où auraient pu aller les personnages, qui sont entraînés un peu malgré eux vers ces options.

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    2. Limitée m'enfin ça va pas non ?! ;-)
      Le retrait et l'activisme ont leur limite dans ce roman, leur faille et c'est peut-être ça aussi le message (certes pas très optimiste) qu'il n'y a pas de solution parfaite.
      On pourrait je crois en débattre longtemps.

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    3. Ni même imparfaite, on dirait, et c'est bien ça qui craint ! Mais tu as raison, ce roman ouvre sur un véritable débat, et ce n'est pas la moindre de ses qualités ;-)

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  3. Ah là là... mais pourquoi demander à un romancier de trouver des solutions ? Il est là pour explorer les possibles, pour mettre en exergue les failles, pour donner des éléments de réflexion. Pour éveiller les consciences peut-être ? Certes, ce n'est pas optimiste, loin de là mais cela passe en revue de nombreux axes que l'on peut d'ailleurs retrouver chez d'autres auteurs. Et il y a des pages sublimes, écrites et pensées. N'est ce pas l'essentiel ?

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    1. Ah mais alors là, je suis entièrement d'accord avec toi ! Mais j'aimerais tellement avoir des raisons d'espérer...
      Disons que sans attendre de solutions, je m'attendais à quelque chose qui se tenait mieux. Catherine dit qu'il manque selon elle une colonne vertébrale à ce roman, et je partage son avis. Il part dans un sens, puis dans un autre pour partir encore dans une autre direction. C'est ça qui m'a gênée, je crois. Alors il y a des pages très intéressantes lorsqu'il retrace l'histoire de la fièvre du pétrole, par exemple. Toutes les "digressions" historiques sont intéressantes, je trouve, mais elles ne participent pas de l'intrigue. Et pour moi, c'est là que ça pèche : petit manque de cohérence et de crédibilité. Le tout m'a paru un peu fouillis. Cela dit, je l'ai malgré cela lu avec plaisir et intérêt.

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    2. Je te rejoins tout à fait sur le fait qu'il manque une direction à ce roman. On dirait que l'auteur avait trop de choses à dire (le pétrole, la Birmanie, la dérive de la mondialisation, la transition écologique)Ce qui n'enlève rien au talent de l'auteur qui a vraiment une voix et des choses à dire.

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    3. Ecoute, j'ai allée relire ton billet après avoir terminé le mien, et il m'a semblé que nous portions exactement le même regard sur ce roman.

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    4. A mon sens, c'est justement la mise en carte du chaos qui fait l'intérêt de ce roman, et la façon de saisir la complexité du monde et des défis auxquels il est confronté. C'est un tel bordel partout... tu vois une colonne vertébrale, toi ? ;-)

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    5. On peut voir ça comme ça... Pour ma part, j'attends peut-être un peu plus qu'un simple reflet de la réalité : une vision, une tentative pour aller au-delà du simple constat...

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  4. Ton avis et celui de Papillon me suffisent, je ne vais pas m'attarder, j'ai trop de tentations par ailleurs.

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    1. C'est sûr que ça ne manque pas ! Et c'est bien notre chance, à nous, lecteurs :-)

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  5. ma couverture me tentait, le thème un peu aussi mais il n'y a pas d'urgence ...

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  6. Il ne fait pas partie de mes priorités, mais pourquoi pas s'il se trouve à la bibliothèque ?

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