lundi 11 juillet 2016

L’ombre de nos nuits

Gaëlle Josse

Notabilia, 2016



Quand l'art pictural fait surgir émotions et souvenirs

De Gaëlle Josse, j’avais beaucoup apprécié Le dernier gardien d’Ellis Island. Avec une grande élégance, l’auteur y relatait le sort des migrants venus de toutes les régions du monde au tournant des XIXe et XXe siècles pour poser le pied sur le sol américain, qui constituait pour eux la promesse d’un avenir meilleur. Inévitablement, ces destins souvent dramatiques faisaient écho à celui des milliers d’individus qui tentent aujourd’hui de gagner au péril de leur vie des terres qu’ils espèrent accueillantes.
Le style sobre de l’auteur permettait d’exprimer la douleur de l’arrachement et du rejet avec une grande justesse. Il rendait également compte du cynisme d’un système qui autorisait certains à poursuivre le rêve, tandis qu’il en rejetait d’autres sans aucun état d’âme.

C’est ce style très dépouillé que l’on retrouve dans L’ombre de nos nuits. Mais on est ici dans un univers très différents, extrêmement intimiste. Gaëlle Josse entrecroise en effet un moment de la vie du peintre Georges de La Tour, alors qu’il réalise l’un de ses chefs-d’œuvre, et les souvenirs d’une femme qui, de nos jours, est frappée par ce tableau qui la renvoie à l’échec d’une relation amoureuse.
Sa langue est toujours précise, dénuée de fioritures, très soignée. Mais malgré sa qualité j’avoue être restée à distance de ce texte. Parler d’une passion, même non partagée, requiert pour moi plus de chaleur et d’emportement. Or Gaëlle Josse reste toujours très mesurée, elle contient en permanence sa langue et ses émotions. J’ai d’ailleurs préféré les chapitres consacrés au peintre, qui restituent parfaitement le travail et l’environnement de l’artiste.
Ce livre m’a fait penser à celui de Léonor de Recondo, Pietra Viva, qui rendait également compte, dans un format et un style assez comparables, d’un épisode de la vie de Michel- Ange. Une même impression m’avait tenue à distance de ce texte. Dans les deux cas, je ne peux que reconnaître une qualité et une tenue littéraires par ailleurs très appréciées de nombreux lecteurs. Je crois simplement que cela ne correspond pas tout à fait à ma propre sensibilité...


NicoleClara et Joëlle ont quant à elles été enchantées




22 commentaires:

  1. Je n'ai pas encore découvert cette auteur, souvent appréciée sur la blogosphère. J'attends je pense un sujet qui me parle plus particulièrement, je ne pense pas que la peinture soit le bon.

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    1. Elle mérite d'être découverte, c'est certain. Après, c'est affaire de sensibilité.
      Tu as raison, la question du sujet est importante. Comme je le dis dans mon billet, j'ai trouvé son écriture plus adaptée à certains thèmes qu'à d'autres.

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  2. Il m'attend dans ma PAL. Je verrai si j'ai les mêmes impressions que toi ... ou pas.

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  3. Je crois que c'est le premier avis mitigé sur ce livre que je lis mais c'est une auteure que j'ai bien envie de découvrir un jour.

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    1. En effet, je ne me souviens pas non plus avoir lu de tels avis... Mais comme je le dis, c'est vraiment affaire de sensibilité personnelle, non de qualité littéraire, qui est indéniable.

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  4. Quel dommage que tu n'aies pas trop aimé, j'ai trouvé l'écriture sublime... Le dernier gardien d'Ellis Island m'avait plu mais j'avais trouvé l'écriture plus ordinaire et j'avais aussi trouvé qu'elle parlait trop de la vie du gardien lui même au détriment du destin des migrants, il faudra que je le relise un jour...

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    1. Déjà, en lisant Le dernier gardien, j'avais trouvé l'écriture très austère, mais cela me paraissait parfaitement convenir au sujet. A la lecture des nombreux billets qui ont été rédigés sur L'ombre, je craignais en fait que cette écriture ne me tienne à distance, au vu du sujet... et c'est ce qui est arrivé. Mais dans les deux cas, l'écriture m'a semblé de grande tenue.

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  5. Tiens, j'ai le même sentiment que Joëlle concernant la comparaison des deux livres. J'ai trouvé que le gardien d'Ellis Island était un peu trop en retenue (et c'est pareil, j'avais davantage envie d'entendre parler des migrants) mais je n'ai pas ressenti ça pour L'ombre de nos nuits. Au contraire, j'ai trouvé qu'elle s'impliquait davantage. L'écriture reste sobre et je pense que c'est "sa marque de fabrique" mais l'expression des sentiments est là, cependant, à mon sens.
    j'ai adoré aussi le croisement des deux histoires. J'ai trouvé ça très réussi.

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    1. C'est drôle qu'on ait des sentiments comparables, mais pas sur les mêmes titres ! En revanche, je suis d'accord avec toi pour dire que ce style très sobre est sa patte. Cela me semble évident, même si je n'ai lu que ces deux livres-là d'elle.

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  6. Pietra Viva est dans ma pal, je vais commencer par celui-là ;)

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  7. Pour moi qui suis Gaëlle Josse depuis son premier livre (Les heures silencieuses, un petit bijou de délicatesse), L'ombre de nos nuits me semble être une sorte d'aboutissement, à l'écriture superbement maîtrisée. Je l'ai lu plusieurs fois, chaque lecture faisant apparaitre de nouvelles facettes, c'est vraiment étonnant.
    Je pense que Le gardien d'Ellis Island (qui pour moi est un livre essentiel) est néanmoins un peu à part dans sa trajectoire d'écriture.

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    1. Ce n'est peut-être pas surprenant, dès lors, que je l'aie aimé. Comme je le disais plus haut, je pressentais que son style pourrait un peu me gêner. Je trouvais que ce ton convenait parfaitement au Dernier Gardien, mais j'avoue ne pas avoir été très surprise de ne pas être entrée aussi facilement dans son univers avec ce récit très intimiste. Pour ma part, j'aime, je crois, les textes plus baroques, plus libres...

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  8. Je note pour le sujet et la comparaison avec Pietra Viva :)

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  9. Allez, je compte bien lui redonner une chance avec ce titre :p

    Le dernier gardien d'Ellis Island m'avait ennuyée à mourir! D'ailleurs, je ne l'ai jamais terminé! Par contre, j'avais adoré ses 2 premiers romans et Pietra Viva aussi évidement (comparaison intéressante!)!

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  10. J'avais beaucoup aimé Les heures silencieuses mais je dois dire que celui ci me tente beaucoup moins...

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  11. Les livres sur l'art m'attirent toujours, mais c'est vrai que celui là, j'ai fait des allers-retours "je le lis oui-non", car beaucoup d'avis m'ont fait hésiter et comme tu en rajoutes une couche ...

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    1. J'étais assez réticente à le lire, bien que, comme toi, les livres sur l'art m'intéressent. Comme je l'ai trouvé en bibliothèque, je n'ai pas hésité. Mais ce que je craignais s'est confirmé à la lecture : je l'ai trouvé très froid...

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