dimanche 3 juillet 2016

Rien que des mots

Adeline Fleury

François Bourin, 2016



Où l'auteur interroge la place de la littérature dans nos vies.

Rien que des mots, tel est le titre choisi par Adeline Fleury pour son premier roman, dont on devine qu’il va nous parler de la relation que l’on peut entretenir avec eux. 
Rien que des mots, certes, mais des mots qui tiennent une place folle, outrancière, dans la vie d’Adèle. Ce sont les mots qui l’ont privée, alors qu’elle était enfant, de la tendresse et de la présence d’un père, obnubilé par les textes qu’il doit, ou qu’il veut, depuis toujours écrire. Quant à son mari, il se consacre également entièrement à l’écriture. 
Adèle veut rompre avec ce qu’elle estime être une malédiction familiale. Lorsqu’elle tombe enceinte, elle décide que son enfant devra vivre à l’écart de toute forme d’écrit pour être dans la vraie vie et non poursuivre une chimère. 
Tandis que que la destruction des livres est ordonnée partout pour laisser place aux seuls ouvrages numériques, Adèle décide d’enfermer son mari dans un bureau qui demeurera interdit au petit Nino. Plus tard, elle se chargera elle-même de son instruction. Nino vivra dans une bulle, sans rien connaître de cet univers auquel son père et son grand-père se dédient de manière inconditionnelle et auquel Adèle a renoncé. Jusqu’au jour où, on s’en doute, Nino découvrira les livres cachés...

Le thème choisi par l’auteur est loin d’être inintéressant, particulièrement pour qui tient la littérature pour un élément essentiel et indispensable. Lire, écrire, est-ce être dans la vie ou s’inscrire dans une dimension éthérée, en marge du monde ? Se consacrer entièrement à ces activités implique-t-il de reléguer son entourage à une place secondaire ? 

Mais Adeline Fleury mélange deux plans : le rapport intime que l’on peut entretenir avec la littérature et l’évolution de la société vers des pratiques de lecture différentes induites par le numérique. Du coup, les deux sujets se parasitent et le propos perd en force et en crédibilité. Là où la décision de l’héroïne aurait dû apparaître radicale et provoquer une rupture brutale, celle-ci ne fait que s’inscrire dans un contexte plus vaste d’autodafé dont on ne perçoit pas très bien les motivations. 
Et puis le texte est très sec. Je ne me suis absolument pas attachée aux divers personnages. Le petit Nino est un effrayant enfant dénué de fantaisie et de rêve. Les phrases claquent, il n’y a aucune émotion, alors même que le sujet exigerait, me semble-t-il, de l’exaltation, de la fureur, de la passion... bref, tout ce qui fait la grandeur de la littérature.


L'avis de Nicole, plus indulgente, sur ce roman

Roman en course pour les 68 premières fois, édition 2016


14 commentaires:

  1. En commençant à lire ton billet, je me suis dit que ce roman était démonstratif : l'histoire d'un enfant qu'on a coupé des livres et qui les découvre par lui-même... et découvre le bonheur de lire... Au secours ! Il faut être un écrivain très habile et très fin pour ne pas tomber la facilité avec un tel sujet...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Effectivement, je suis d'accord avec toi Sandrine. L'auteur a sans doute voulu témoigner de son amour pour la littérature, un amour dévorant. Mais le sujet était sans doute un peu trop ambitieux pour un premier roman. Il faut certainement beaucoup de recul et d'expérience pour le traiter.

      Supprimer
  2. Intéressante ton analyse sur le mélange des genres ou plutôt des niveaux... Tu as raison, c'est peut-être ce qui fait qu'on a du mal à croire à cette fable, malgré toute la sympathie qu'inspire le sujet.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh oui, je partais pourtant avec un a priori très favorable...

      Supprimer
  3. pas tenté au vu de ce que tu en dis et puis là, je me suis lancée dans" L'écriture comme au couteau" d'Annie Ernaux ( c'est du bon!)

    RépondreSupprimer
  4. Bon, un de moins à noter ! Pourtant le titre et ton sous-titre m'avait interpellée, bien sûr ;-)

    RépondreSupprimer
  5. Pas vraiment envie de me précipiter non plus...

    RépondreSupprimer
  6. Le début de ton billet laissait deviner un roman tout à fait passionnant! Le sujet l'est en tout cas. Dommage pour la suite... J'ai justement lu dernièrement Un soir de décembre de Delphine de Vigan où l'écriture en vient à un repli sur soi, voire à une forme de dépression, pour celui qui écrit et pour qui ça devient une véritable obsession. Un autre élément intervient aussi dans l'histoire mais comme je ne sais pas si tu l'as lu, je ne dirais pas tout... mais c'était intéressant!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non, celui-ci je ne l'ai pas lu. Mais comme c'est un auteur que j'affectionne particulièrement, je retiens ce titre ! Merci.

      Supprimer
  7. A défaut de lire ce titre-ci, j'ai réservé le Colombe Boncenne à la médiathèque, qui traite aussi du pouvoir de la littérature, me semble-t-il.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, il parle du rapport du lecteur à la littérature. Mais le traitement, très différent, est ludique, enjoué et malicieux. Je pense que tu devrais passer un bon moment.

      Supprimer