Gunnar Staalesen
Gaïa, 2025
Traduit du norvégien par Alex Fouillet
Vous commencez à vous demander quelles lectures emporter cet été ? C’est encore bien trop tôt et vous avez d’autres chats à fouetter ? Ne bougez pas, dans tous les cas j’ai ce qu’il vous faut ! Dépaysement, suspens, souffle romanesque, ancrage historique et social parfaitement documenté… ce remarquable roman coche toutes les cases. Suivez-moi, je vous entraîne dans LA saga à ne pas manquer.
Le titre est sans ambiguïté, c’est à un voyage au coeur de la Norvège que nous convie l’auteur. Et pour nous appâter - si toutefois il en était besoin -, il nous propose une intrigue policière fondée sur l’élucidation d’un meurtre servant de discret fil rouge à cet ample récit. L’auteur imagine en effet la réouverture d’une enquête demeurée irrésolue depuis les années 70, une affaire criminelle manifestement bien connue des Norvégiens : le cadavre d’une femme dont l’identité reste à ce jour mystérieuse avait été découvert près de Bergen, dans la vallée de l’Isdal. S’agissait-il d’un suicide ? d’une affaire d’espionnage ? Avait-elle à voir avec la survivance d’une extrême-droite favorable au régime nazi ? Voilà qui va permettre à l’écrivain de revisiter l’histoire la plus récente de son pays.
De l’après-guerre à notre décennie, l’auteur élabore ainsi une peinture sociale extrêmement éclairante de la Norvège. En plongeant ses personnages dans les événements les plus marquants, et parfois les plus douloureux, qui l’ont touchée, il parvient à révéler les tensions qui la traversent et les préoccupations qui l’animent. On se souvient notamment du massacre d’Utøya, immédiatement précédé en 2011 par l’attaque du quartier gouvernemental d’Oslo, qui avait été perpétré par un terroriste néonazi, et qui est l’un des points d’orgue du récit. Cet axe narratif permet à l’auteur de mettre en évidence les tensions communautaires que connaît le pays et la prégnance des mouvements d’extrême droite qui y règne. Staalesen évoque également les conflits entre les tenants de l’industrie pétrolière, sur laquelle se fonde pour une grande part l’essor et la prospérité économiques de la Norvège, et les défenseurs de l’environnement qui en condamnent la dangerosité.
Les premières pages peuvent un peu désorienter le lecteur français ne possédant pas les références de son homologue norvégien. D’autant qu’il faut s’acclimater aux noms à rallonge absolument imprononçables des lieux et des protagonistes. Mais ne vous laissez surtout pas impressionner : la maîtrise narrative de l’auteur est telle qu’il donne une parfaite cohérence à tous les fils et tous les personnages qui nous semblent d’abord dénués de lien. On est alors complètement happé par le récit qu’on dévore avec appétit.
Au-delà de son caractère « exotique », l’intérêt de ce roman réside dans l’effet miroir qu’il nous offre. Les préoccupations, les traumatismes et les tensions qu’il met en lumière sont en effet en tout point comparables aux nôtres, mais la mise à distance qu’il opère permet de les aborder avec un recul opportun. L’auteur lui-même s’inscrit dans un cadre plus large et n’hésite pas à faire des allusions à la situation ou à des événements vécus par certains de ses voisins européens - dont la France.
C’est à regret que j’ai tourné la dernière page de cette fascinante saga, dont la phrase finale nous laisse à penser qu’elle pourrait avoir une suite. En attendant, je compte surtout me délecter des volumes qui l’ont précédée, car il s’agit du septième volume d’une vaste fresque démarrant en 1900 ! J’ai d’ores et déjà commandé le premier à mon libraire. Quant à vous, vous pouvez tout comme je l’ai fait commencer par la fin - ce qui n’a en rien gêné ma lecture -, soit prendre les choses dès le début. Quoi qu’il en soit, ne passez pas à côté !
J'ai lu deux ou trois polars de la série Varg Veum il y a longtemps. Je ne demande qu'à plonger dans ce roman de Bergen, j'aimais bien son style et son univers.
RépondreSupprimerTu m'en vois ravie ! Pour ma part, j'ai hâte d'y replonger ;-)
SupprimerAnonyme c'est moi !
RépondreSupprimerJ'ai lu deux tomes du Roman de Bergen, situés au début du XXème siècle. J'ignorais l'arrivée de ce dernier qui semble pouvoir se lire isolément. Je verrai plus tard, je viens de commencer la saga suédoise des Émigrants !
RépondreSupprimerOn ne sait plus où donner de la tête avec ces Scandinaves si prolifiques ;-)
SupprimerAh oui mais maintenant, tu sais comment ça se finit.
RépondreSupprimerEn fait, je crois qu'il fonctionne par cycles : 2 tomes pour 1900 L'aube, deux pour 1950 Le zénith et deux pour 1999 Le crépuscule (et tout laisse à penser qu'il pour y avoir un second tome pour 2020). Et en fait, j'ai l'impression qu'ils peuvent se lire plus ou moins indépendamment, le vrai sujet étant l'histoire de la Norvège, avec un fil rouge pour chacun des cycles.
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