mardi 1 octobre 2024

Malville

Emmanuel Ruben
Stock, 2024

Malleville est-il un roman d’apprentissage ou une dystopie axée sur la question du nucléaire ? Le titre - de même que l’exergue - qui place explicitement le texte sous les auspices de Robert Merle nous tire résolument du côté du genre post-apocalyptique, ce que ne démentent pas les toutes premières pages du livre. Nous sommes en effet en juillet 2036, et le narrateur présente le régime de confinement intégral dans lequel vit la population depuis que le dérèglement climatique et les pandémies successives se sont abattus sur elle, puis qu’une catastrophe a touché une centrale nucléaire.


Retour arrière : Samuel évoque son enfance dans les années 80, passée sur les bords du Rhône. Son père travaille à La Centrale. Pour le petit garçon, il s’agit encore d’un lieu nourricier qui non seulement régit sa vie et celle de sa famille, mais fait tourner le monde dans son entièreté. Jusqu’au jour où, bravant les interdits - formulés par ses parents autant que par les pouvoirs publics -, un accident le conduit vers une noyade assurée dont il est miraculeusement sauvé par un adolescent qui deviendra son meilleur ami. Les parents de ce dernier étant de farouches opposants au nucléaire, la mue de Samuel s’accompagne d’une prise de conscience autour de laquelle se cristallise l’opposition à ses parents. 


Ainsi se conjuguent les deux registres littéraires que j’évoquais au début de ce billet, teintant la charge antinucléaire d’une teneur moins brutale, plus sensible et intimiste. Pour opérer cette fusion, l’auteur s’est habilement servi de l’un de ses personnages, évidemment clé dans la vie d’un adolescent, puisqu’il s’agit de la jeune fille dont Samuel tombera amoureux, l’inaccessible Astrid. Or la centrale qui explosa le 19 juin 2027 plongeant définitivement les habitants dans le chaos, était désignée par le terme Advanced Sodium Technological Reactor Industrial Demonstration, dont je vous laisse extraire l’acronyme. Ainsi les destinées de l’une et de l’autre se voient-elles étroitement associées.


Emmanuel Ruben s’empare de nombreux épisodes que nous avons connus, de la catastrophe de Tchernobyl au confinement provoqué par la pandémie du covid en passant par la vague d’attentats des années 2010, donnant ainsi à son récit des accents de véracité qui ne manquent pas de nous faire frémir. Sa mise en garde contre les dangers de la radioactivité n’en est que plus glaçante. Chacun aura certes ses convictions sur la question des centrales nucléaires, mais il n’en reste pas moins que, comme tout bon roman d’anticipation, il pose de pertinentes questions et donne à réfléchir. Reste à apporter les réponses qui nous permettent d’éviter les pires scénarios…

8 commentaires:

  1. Encore une lecture anxiogène, mais les questions sont légitimes.

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    1. J'ai beau me dire que ça me ferait du bien de lire parfois des trucs plus légers... ;-)

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    1. Un peu, bien sûr. Mais comme le dit Aifelle juste au-dessus ces questions sont légitimes et nous devons nous les poser. Après, il y a le côté roman d'apprentissage qui fait passer la pilule !

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  3. Il y a pas mal de romans d'anticipation en cette rentrée, il faut choisir... pour ma part ce sera Le déluge, une belle brique dont j'espère ne pas ressortir complètement démoralisée ;-)

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    1. Eh oui, choisir, toujours choisir : c'est notre maître mot à tous et toutes, pauvres lecteurs que nous sommes :-D

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  4. En commençant le billet je me suis dit "pas pour moi", en le terminant, je doute sérieusement... :) ça me tente pas mal, en fait !

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