vendredi 13 octobre 2023

Humus

Gaspard Koenig
L’Observatoire, 2023

Prix Interallié 2023



L’un est né en province, il est le fils de travailleurs agricoles. Rien ne le destinait à faire des études, n’étaient ses profs qui poussèrent cet élève doué. L’autre est le fils d’un avocat en vue; élève au lycée Henri-IV, il était promis à un brillant avenir passant par une prépa littéraire et Normale Sup. Sa répugnance à suivre la voie qui lui était tracée le conduisit à s’orienter vers la biologie et les sciences de la terre.

 

Le premier, Kevin, est taciturne et ne possède pas l’esprit de répartie dont on fait si largement assaut dans les soirées parisiennes. Mais il est doté d’une aisance et d’une beauté charismatique. Le second, Arthur, n’a pas ce charme naturel, mais compense par un art consommé de la rhétorique qu’il ponctue à l’envi de citations philosophiques et littéraires.

Tous deux vont se rencontrer sur les bancs d’AgroParisTech. Et devenir inséparables.


Vous l’aurez compris, Gaspard Koenig construit sa trame narrative sur le motif ultra-classique – mais pleinement éprouvé – du duo antithétique. Ces deux-là partagent néanmoins une commune ambition : trouver les moyens de combattre la crise écologique qui menace leur génération. Un peu par hasard, un peu par fanfaronnade, ils vont s’intéresser aux vers de terre, qui seraient à même de transformer nos déchets en un riche et fertile compost…


Les voici devenus les hérauts d’une technique révolutionnaire et cent pour cent naturelle. Leur mot d’ordre ? Les vers de terre, c’est l’avenir de l’humanité ! Tandis qu’Arthur se lance dans la rédaction d’une thèse visant à en explorer tout le potentiel, Kevin se tourne quant à lui vers la production et tente de convaincre les investisseurs de financer l’entreprise de vermicompostage qu’il entend créer. C’est à partir de là, comme on pouvait s’y attendre, que leurs chemins commencent à se séparer… 


Guère avare de lieux communs, Gaspard Koenig fait de Kevin un parfait spécimen de transfuge de classe, peu préparé toutefois à jouer sur le terrain des nouveaux amis qu’il ne tarde pas à se faire et qui mettent sévèrement à l’épreuve son ingénuité, tandis que, dans un mouvement contraire, Arthur rompt lui aussi avec ses origines en devenant un néorural en voie de paupérisation. 


On pardonne toutefois volontiers à l’auteur ces ficelles quelque peu grossières, tant il a le sens de l’humour et de la formule qui fait mouche. Un art qu’il met au service d’une efficace satire du monde de la finance et d’une élite autoproclamée qui, sous sa plume, sonne pourtant bien creux ! Il connaît de toute évidence ce monde élevant novlangue et entre-soi au rang de vertus cardinales. Dans ce contexte, le combat écologique semble désespérément voué à l’échec. Faut-il alors se tourner vers des actions radicales, comme nos héros sont amenés à l’envisager ? A chacun d’en juger.



A lire aussi, l'avis de Nicole


9 commentaires:

  1. Les vers de terre ne seraient pas à même de transformer nos déchets en un riche et fertile compost, ils le sont. Quand il n'y en a plus dans la terre, stérilisée par engrais et pesticides, elle est morte. Ce livre a tout pour me plaire...

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    1. Bon, l'urbaine que je suis s'est un peu pris les pieds dans le tapis :-D

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  2. Oui un certain sens de la formule et un humour caustique qui n'occulte pas une certaine tendresse pour ses personnages :-)

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    1. C'est vrai. En tout cas, il a vraiment un ton percutant. C'est ce que j'ai particulièrement aimé dans ce livre.

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  3. Oui, ce livre est pour Sandrine. Je l'ai fortement aimé aussi!

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  4. J'ai l'intention de le lire ; il ne devrait pas à tarder à arriver à la bibliothèque.

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  5. Un titre qui me tente de plus en plus. Merci pour ton avis.

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