lundi 1 avril 2019

A la ligne


Joseph Ponthus

La Table Ronde, 2019

Grand prix RTL Lire 2019
Prix Régine Deforges du premier roman 2019
Prix du Premier roman des lecteurs des bibliothèques 2019


Entrer dans ce livre, c’est être projeté dans un monde dont on aurait voulu croire qu’il appartient à une époque révolue. Un monde relégué dans les périphéries pour mieux nous le cacher. Un monde qu’une sémantique nouvelle permet de tenir à distance pour en escamoter la laide réalité. Des ouvriers ? Non : des «opérateurs de production».

Joseph Ponthus, lui, n’a pas peur des mots. Il nous les jette en pâture pour restituer ce qu’il vit dans toute sa crudité. Dans toute sa cruauté. Il ne s’embarrasse pas de phrases délicatement ciselées qui pareraient encore ce qu’il nous montre d’un voile pudique.

Ses phrases à lui ne sont faites que de la peine qu’il endure au quotidien. Elles nous contraignent à entendre l’épuisement, la douleur, les cadences éreintantes, les corps qui se rebiffent, l’ennui, le temps qui n’en finit pas de s’étirer en des minutes et des heures toutes semblables les unes aux autres. Elles disent les odeurs qui soulèvent le coeur. Elles racontent le sang et les lambeaux de bêtes, partout, qui vous assaillent. Elles exsudent la violence du travail. Mais pire que tout, peut-être, elles disent la terreur d’échapper à cet état d’asservissement consenti si ce travail venait à manquer.

Mais les mots sont aussi les plus précieux alliés de l’auteur. Ceux des poètes, chansonniers, romanciers, philosophes de tout poil qu’il convoque sans relâche pour se libérer de sa chaîne. Chaque ligne de son texte est riche des mots qui ont fait de lui ce qu’il est et qui lui apportent leur sève. Ce sont eux qui le maintiennent debout, qui lui rappellent qu’il existe et ne se réduit pas à un corps effectuant interminablement les mêmes gestes.

C’est un texte d’une force inouïe que nous offre ce jeune auteur, nourri de littérature et jeté à l’usine par hasard et par nécessité. C’est un texte qu’il faut lire pour son exceptionnelle densité et pour sa poésie. Un texte qu’il faut lire car il nous invite à regarder le monde dans lequel nous vivons sans y apposer aucun fard.



Un livre à retrouver aussi sur YouTube




Sélectionné pour le prix Régine Deforges du Premier roman


A la ligne, Joseph Ponthus, La Table RondeBoys, Pierre Theobald, Jean-Claude Lattès
Comme elle l'imagine, Stéphanie Dupays, Mercure de France
Des hommes couleur de ciel, Anaïs Llobet, L'Observatoire
Ecorces vives, Alexandre Lenot, Actes Sud noir
Ivoire, Niels Labuzan, Jean-Claude Lattès
L'Appel, Fanny Wallendorf, Finitude
Le matin est un tigre, Constance Joly, Flammarion
Les heures solaires, Caroline Caugant, Stock Arpège
Les petits garçons, Théodore Bourdeau, Stock Arpège
L'odeur de chlore, Irma Pelatan, La Contre-Allée
Saltimbanques, François Pieretti, Viviane Hamy
San Perdido, David Zukerman, Calman-Levy

Suiza, Bénédicte Belpois, Gallimard
Tête de tambour, Sol Elias, Rivages
Varsovie-Les Lilas, Marianne Maury-Kaufamann, Héloïse d'Ormesson
Vigile, Hyam Zaytoun, Le Tripode

18 commentaires:

  1. Tu ajoutes u n autre billet enthousiaste, c'est noté déjà

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  2. Il va enfin arriver à la bibliothèque, j'ai hâte ! Aifelle.

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    1. Mais comment vas-tu pouvoir attendre encore ???!!!!!
      ;-)

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  3. Je viens d'écouter ta vidéo (bravo !) et ça me confirme qu'il faut le lire.. mais peut-être pas tout de suite...

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    1. Merci Catherine !
      Tu le liras le moment venu, rien ne presse. Mais ne l'oublie !

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  4. Il fait un joli parcours ce livre, et c'est tant mieux. Je pensais bien que tu serais sensible au thème et comme la réalisation est plutôt bonne, je ne suis pas étonnée de ton retour. (futur Prix Régine Desforge ?)

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    1. Nous le saurons demain, ma chère ;-)
      En attendant, évidemment, un tel livre ne pouvait que retenir mon attention. Quant à l'enthousiasme qu'il a suscité en moi, il a dépassé mes espérances ! (Et je suis ravie qu'une lectrice amie me l'ait donné à la faveur d'un échange, car il manquerait sacrément à ma bibliothèque si je l'avais reçu dans le cadre des livres voyageurs des 68 !)

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  5. Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il s'agisse d'un très beau roman. Je trouverai bien le bon moment pour le lire !

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    1. Chaque chose en son temps. Tu le savoureras tôt ou tard. ;-)

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  6. Te voila comblée à ton tour ! Il ne me reste plus qu'à le sortir de ma pal.

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  7. Quelque chose me retient avec ce roman là mais je finirais par me laisser fléchir...

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    1. Il ne faut pas nécessairement forcer les choses. Tu as raison d'attendre le bon moment. Cela dit, c'est vraiment un livre qui sort du lot et qui vaut la peine (mais je crois que tu l'auras compris à la lecture de mon billet !), alors j'espère que ce moment viendra...

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  8. Je l'ai acheté récemment ! Suite à un entretien de l'auteur sur France Inter et à quelques billets élogieux.

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  9. J'ai vraiment envie de le lire celui-ci. Certaine qu'il va me parler !

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