jeudi 18 août 2016

L’insouciance

Karine Tuil

Gallimard, 2016



Karine Tuil nous offre un saisissant tableau de notre société dans un nouveau roman à l’incroyable souffle romanesque.

Si vous aimez la littérature doucereuse, les textes qui vous font passer un agréable moment sans vous bousculer, passez votre chemin : ce livre n’est pas pour vous. Pour ma part, j’ai pris un véritable coup de poing dans l’estomac, et ce n’est pas pour me déplaire.
Avec le style nerveux qui la caractérise, Karine Tuil m’a tout de suite happée, sans espoir de retour. Lire Karine Tuil, c’est faire l’expérience d’une immersion: il faut plonger dans ses phrases denses, au rythme haletant, qui vous laissent à peine le temps de souffler. Elle vous emporte dans son monde, dans notre monde, pour en dévoiler tous les travers, tous les paradoxes et toute la violence.
La guerre, le terrorisme, la domination économique, l’attraction exercée par le pouvoir, la ségrégation ethnique, la montée des communautarismes, l’antisémitisme sont au cœur de son roman. Chacun de ses personnages incarne un archétype, qui n’a pourtant rien de caricatural : un richissime chef d’entreprise, un animateur social noir issu des banlieues servant de caution à un gouvernement de droite, un jeune lieutenant de retour d’Afghanistan souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique et une jeune journaliste essayant de se hisser au sommet de l’échelle sociale sans renier ses valeurs, tous ces personnages se côtoient dans une intrigue dont Karine Tuil noue les fils avec un rare talent.
Surtout, elle sait à merveille mener son récit tambour battant et y inscrire sa lecture de la société, sans que cela paraisse jamais lourd ou maladroitement plaqué. C’est intelligent, diablement efficace et ça se lit avec une furieuse avidité.

Comme j’avais pu le dire de son précédent roman, L’invention de nos vies - avec lequel je dirais volontiers que L’insouciance forme une sorte de diptyque -, Karine Tuil excelle à camper des personnages dont les destins s’inscrivent dans le contexte socio-historique de notre époque. Elle parvient à embrasser tous les aspects de ce que nous vivons pour en restituer le chaos en une image pourtant extrêmement cohérente. Cela pourrait sembler très noir, et il faut avouer que ce qu’elle nous montre à travers ses livres n’est pas d’un optimisme délirant. Mais ses héros sont animés d’une force vitale qui pourrait bien être plus puissante que la violence sociale et la haine qui revêt pourtant bien des formes. «Il faut vivre» martèle Marion, la jeune journaliste. Et ne pas renoncer à la vie, même lorsqu’on a perdu ce précieux trésor qu’est l’insouciance.
Quel plus précieux message délivrer en ces temps où nous sommes si durement éprouvés ?


Je vous invite à lire également le billet de Nicole, qui partage mon enthousiasme et avec qui j’ai eu le plaisir de faire cette LC.

Retrouvez Karine Tuil sur France Inter dans Le mag de l'été.

28 commentaires:

  1. Hé hé... je vois que nous avons lu le même livre ! Très contente d'avoir fait cette lecture commune avec toi et d'avoir partagé ton enthousiasme au fur et à mesure de nos avancées respectives. La rentrée commence bien !

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    1. Oui, quand on voit des livres de ce niveau-là, on n'a qu'une envie : faire d'autres aussi belles découvertes !

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  2. Je ne suis pas très attirée par cette romancière, je ne sais pas trop pourquoi ..

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    1. Il y a des choses qui ne s'expliquent pas. Cependant, je crois que tu as tort, Aifelle ;-) (même s'il est vrai que je ne suis pas sûre que ce soit ton style de lecture.)

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  3. Ah mais ton billet est "diablement efficace", tu sais :) !

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  4. Comme je te le disais sur IG, j'ai détesté "L'invention de nos vies" donc si tu dis que "L'insouciance" forme un diptyque avec celui-ci, ça ne m'incite pas du tout à le lire...^^

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    1. Oui, et du coup, même commentaire que sur IG. Je pense en effet que tu n'aimerais pas.

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    2. ayant les mêmes goûts qu'Eva (en général), mais n'ayant pas lu l'invention de nos vies - bref, on verra ! si un jour je la croise à la BM ...mais ton billet reste très réussi et très alléchant !

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    3. Merci Electra !
      Peut-être pour une fois ne seras-tu pas de l'avis d'Eva? ;-)

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  5. J'avais aussi eu une avis mitigé sur L'invention de nos vies : une écriture très nerveuse, un bon page turner, mais des personnages complètement caricaturaux, donc je ne vais pas me précipiter sur celui-ci.

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    1. Bien qu'ayant déjà beaucoup aimé L'invention de nos vie, j'avais comme toi trouvé les personnages un peu caricaturaux. Ils le sont beaucoup moins dans celui-là je trouve. C'est un roman comparable, je dirais, mais plus abouti et parfaitement maîtrisé. Un régal de lecture, en tout cas.

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  6. Une auteure qu'il me reste à découvrir. Et tu me donnes diablement envie de m'y mettre au plus vite !

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  7. J'étais très attirée par ce livre, je suis désormais totalement convaincue. Merci Delphine !

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  8. C'est dingue, je te sens encore dans l'énergie que t'a donné cette lecture ! Pour la découvrir, il faudrait peut-être que je commence par L'invention de nos vies ?

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    1. C'est que je l'ai rédigé tout de suite après l'avoir lu !
      Tu n'es pas du tout obligée de lire L'invention de nos vies avant. C'est qu'il s'agit du même type d'écriture et d'une interrogation commune sur la question de l'identité que l'on a et à laquelle on est constamment renvoyé, ainsi que sur les déterminismes sociaux. Mais ce ne sont pas les mêmes personnages et je trouve celui-ci plus abouti et encore meilleur que le précédent. A toi de voir (sachant que l'autre doit à présent être en poche).

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    2. J'avais abandonné un de ses précédents romans mais là j'avoue que je suis plus qu'attirée !

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    3. Laisse-toi donc tenter, Clara !

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  9. Je n'ai encore rien lu de cette auteure. Celui la me tente bien...

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    1. Ce serait une excellente entrée en matière, je pense.

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  10. Tu fais bien de faire le parallèle avec le précédent parce que je ne l'avais pas aimé. Il vaut sans doute mieux que je passe mon chemin cette fois.

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  11. le thème est tentant mais je n'ai pas du tout aimé son premier livre alors...
    annoncé pour le goncourt on peut parier qu'elle ne l'aura pas ! c'est ce qui se passe en principe

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    1. Je crois que son style a beaucoup évolué depuis son premier livre.
      Pour le reste, tu as raison, c'est toujours mauvais signe d'être donné gagnant trop tôt...

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  12. J'ai beaucoup aimé "L'invention de nos vies", celui-ci me fait très envie !

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    1. Dans ce cas, il ne faut surtout pas hésiter, Céline !

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